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25/01/2018

Fiscalité des entreprises : ce qui change en 2018

Fiscalité des entreprises : ce qui change en 2018
 François Ecalle
Auteur
Président de l’association Fipeco

Le projet de loi de finances pour 2018, définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 21 décembre dernier, contient un grand nombre de nouvelles mesures fiscales. Parmi celles-ci, quatre mesures visant les entreprises méritent d’être détaillées, tant dans leur genèse que dans leurs impacts économiques et budgétaires.

Le remplacement du CICE par un allègement de cotisations sociales

Trois constats initiaux permettent de comprendre et de justifier le remplacement  du  CICE  par  un allègement de cotisations sociales : 

  1. L’impôt sur les bénéfices des sociétés n’est pas le meilleur instrument pour réduire le coût du travail.
  2. Les modalités de remboursement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui s’appliquent  parfois  plusieurs  années  après  le  versement  des  salaires concernés, sont particulièrement complexes. 
  3. De nombreux économistes considèrent, enfin, que le CICE n’est pas suffisamment ciblé sur les bas salaires pour maximiser son impact sur l’emploi. Les conclusions des premières évaluations de ses effets sur l’emploi sont d’ailleurs mitigées.

En conséquence, le Parlement a voté son remplacement par un allègement supplémentaire et plus ciblé des cotisations sociales patronales.

Ce remplacement ne prendra cependant pas effet dès 2018, mais s’effectuera de manière progressive. La loi de finances initiale pour 2018 ramène ainsi le taux du CICE de 7 à 6 % en 2018 avant de le supprimer le 1er janvier 2019. Le CICE sur les salaires versés avant cette date sera imputé sur l’IS ou remboursé aux entreprises de 2019 à 2022. La loi de financement de la sécurité sociale prévoit en contrepartie, à compter du 1er janvier 2019,  un allègement supplémentaire des cotisations sociales patronales de 10 points au niveau du SMIC, de 10 à 6 points entre le SMIC et 1,6 SMIC et de 6 points entre 1,6 et 2,5 SMIC (salaire maximal ouvrant droit au CICE).

En 2019, le coût du CICE, sur les salaires des années antérieures, sera de 20,6 Md€ en comptabilité nationale, compte tenu de la baisse de son taux sur les salaires de 2018. Cette même année 2019, les nouveaux allègements de cotisations sociales réduiront de 25 Md€ les recettes des administrations de Sécurité sociale. Le déficit public sera ainsi aggravé d’un peu moins de 25 Md€, étant donnée la hausse du dernier acompte d’impôt sur les sociétés induite par cette baisse des charges sociales, soit d’un peu plus de 1 point de PIB. C’est la raison pour laquelle la loi de programmation des finances publiques prévoit que le déficit public remontera de 2,8 % du PIB en 2018 à 2,9 % en 2019.

En régime permanent, le coût du CICE, au taux de 7 %, est d’environ 23 Md€ pour les administrations publiques. Les allègements de charges qui le remplaceront auront un coût, net du supplément d’IS qu’ils entraînent, d’environ 19 Md€. Cette réforme réduira donc le déficit public structurel de 0,2 point de PIB, en augmentant d’autant les  prélèvements sur les entreprises. En effet, les baisses de charges ne compenseront que le CICE au taux de 6 %, et elles induisent un supplément d’IS.

Dans les statistiques internationales, les crédits d’impôts sont enregistrés en dépenses publiques, et non en déduction  des prélèvements obligatoires. Le CICE a donc pour effet de majorer le rapport des dépenses publiques au PIB en France dans les comparaisons internationales. Sa suppression réduira mécaniquement ce ratio d’environ un point à partir de 2020, et la baisse des cotisations sociales diminuera de presque autant le taux des prélèvements obligatoires : cela contribuera à améliorer la place de la France dans les classements internationaux.

Il n’existe déjà plus de cotisations patronales au régime général de Sécurité sociale sur les salaires égaux au SMIC. L’allègement supplémentaire de 10 points porte donc sur les cotisations à d’autres régimes, principalement l’assurance chômage et les régimes de retraite complémentaire (la baisse de 6 points entre 1,6 et 2,5 SMIC concerne les cotisations des employeurs à la branche maladie du régime général). Le rapport d’évaluation préalable de cette réforme se contente de mentionner que les impacts financiers sur les régimes de retraite complémentaire et d’assurance chômage donneront lieu à une compensation des pertes de recettes. Les modalités de cette compensation seront précisées dans les textes financiers afférents à l’année 2019.

Ces mesures doivent en effet s’inscrire dans le cadre de réformes bien plus ambitieuses et à peine esquissées. D’une part, la création d’un régime universel de retraite, qui pourrait remettre en cause l’existence même des régimes complémentaires ; et, de l’autre, la réforme des prestations, du financement et de la gouvernance de l’assurance chômage.

La baisse du taux de l’impôt sur les sociétés

Deuxième mesure phare : la loi de finances initiale pour 2018 prévoit une baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés (IS). Celui-ci passera de 33,3 %, sur les bénéfices de l’exercice 2016, à  25 %, sur ceux de 2022. Le taux d’imposition des bénéfices de 2018 sera de 28 % jusqu’à 500 000 €. Le taux réduit de 15 %, appliqué aux bénéfices des PME inférieurs à 38 000 €, est maintenu.

Le coût de cette mesure, au-delà de 2022, sera d’environ 11 Md€ pour l’Etat, et les bénéfices après IS des sociétés augmenteront d’autant. Ce coût pour les finances publiques sera mécaniquement atténué par l’imposition, au titre de l’impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et des dividendes supplémentaires que les entreprises pourront distribuer grâce à cette hausse de leurs bénéfices après IS (ou des plus-values réalisées par leurs actionnaires à la suite de leur mise en réserve).

L’IS fait partie des prélèvements obligatoires sur le capital, particulièrement élevés en France. Ils représentent en effet 10,8 % du PIB en 2015, contre une moyenne de 8,4 % dans la zone euro et l’Union européenne. La France est ainsi au deuxième rang des prélèvements les plus élevés, juste derrière l’Italie (10,9 %) et loin devant l’Allemagne (6,3 %).

Le taux de l’IS en France est le plus élevé de l’Union européenne. La comparaison des taux légaux est certes insuffisante car il existe des taux minorés, voire nuls, sur certains revenus et pour certaines entreprises. De plus, le bénéfice fiscal n’est pas mesuré partout de la même manière. Pour en tenir compte, la Commission européenne publie des taux effectifs moyens qui placent également la France au premier rang.

Or, cet impôt est particulièrement fragilisé 1) par la concurrence fiscale entre les Etats et 2) par le jeu des prix de transfert au sein des groupes multinationaux. Il est ainsi peu probable que la concurrence et l’évasion fiscale soient significativement réduites avant très longtemps, en dépit des efforts déployés dans les enceintes internationales.

Surtout, l’IS a un effet négatif sur l’investissement des entreprises. La diminution de son taux devrait donc stimuler celui-ci à moyen terme, renforçant ainsi la croissance potentielle de l’économie française. Selon une étude publiée par la Commission européenne, la baisse du taux de l’IS de 33,3 à 28 % augmenterait de 1 % le niveau annuel de l’investissement des sociétés non financières françaises à un horizon de cinq ans.

Pour les actionnaires français des sociétés françaises, la baisse du taux de l’IS s’ajoutera à la baisse du taux d’imposition des dividendes et plus-values au titre de l’impôt sur le revenu. Cette baisse résultera de l’application d’un prélèvement forfaitaire unique - au taux de 12,8 % - à la place de l’application (après abattements) du barème de cet impôt. Comme il n’est pas prévu de diminuer l’imposition des revenus des entrepreneurs individuels, à l’exception des micro-entrepreneurs (cf.  plus  bas), ces réformes favoriseront donc le choix de la société, plutôt que le statut d’entrepreneur individuel, pour exercer une activité professionnelle – notamment pour ceux qui se situent dans les tranches supérieures d’imposition à l’impôt sur le revenu.

La suppression de la taxe sur les dividendes et la création d’une contribution exceptionnelle

Un  rappel  historique  préliminaire  est  nécessaire  pour  comprendre  cette  troisième  mesure. Tout commence en juin 2012, lorsque le nouveau Gouvernement découvre que la France avait été condamnée par  la  Cour  de  justice  de  l’Union  européenne pour deux dispositifs fiscaux irréguliers concernant  les dividendes reçus de, ou versés à, des personnes morales européennes non résidentes en France. Le montant à rembourser aux entreprises, proche de 10 Md€, n’avait pas été inscrit dans les prévisions budgétaires. Pourtant, il semblait très difficile de respecter l’engagement pris par la France de ramener son déficit public à 3 % du PIB en 2013. Une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés de 3 % sur les montants distribués a ainsi été créée en juillet 2012. Son produit s’est élevé à 1,8 Md€ en 2016.

Or, la Cour de justice a jugé, en mai 2017, que cette taxe était irrégulière au regard de la directive dite "mère-filiales" en tant qu’elle frappait les dividendes provenant de filiales européennes non résidentes. Considérant qu’il était difficile d’amender le régime de cette taxe pour le mettre en conformité avec le droit européen sans prendre de nouveaux risques juridiques, le Gouvernement a proposé, en septembre, sa suppression dans le projet de loi de finances pour 2018, définitivement adopté par le Parlement le 21 décembre dernier.

Entre-temps, compte tenu du jugement de la Cour de justice, le Conseil constitutionnel a jugé début octobre que la taxe sur les dividendes était contraire au principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt. En conséquence, toutes les entreprises ayant acquitté la taxe de 3 % depuis 2012 et qui effectuent une demande  de  restitution  dans  le  délai  de  réclamation peuvent se voir remboursées. Etant donnés les intérêts moratoires, au taux de 4,8 %, le montant de ces remboursements a été estimé par le Gouvernement à environ 10 Md€. Une première moitié doit être décaissée par l’Etat en 2017 et la seconde en 2018.

En comptabilité nationale, ces remboursements seront toutefois imputés sur l’exercice au cours duquel le fait générateur a eu lieu. L’Insee et Eurostat doivent encore déterminer si le fait générateur est constitué par la décision du Conseil constitutionnel - auquel cas le déficit public de 2017 serait majoré de 10 Md€ -, ou par les ordonnances de paiement des services fiscaux - auquel cas les déficits publics de 2017 et 2018 seraient chacun majorés d’environ 5 Md€.

Pour sécuriser l’objectif d’un déficit inférieur à 3 % du PIB en 2017, le Gouvernement a fait voter par le Parlement, en novembre, une loi de finances rectificative pour 2017. Celle-ci instaure deux nouvelles contributions additionnelles à l’impôt sur les bénéfices de 2017. La première est due par les sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 Md€, et est égale à 15 % de l’impôt sur les bénéfices dû avant imputation des réductions et crédits d’impôts. La  deuxième est due par les sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 Md€, et est calculée de la même façon que la première.

Le produit attendu de ces deux contributions est de 5 Md€ pour l’Etat. Il devrait avoir été encaissé presqu’en totalité dès 2017, car elles devaient donner lieu à des acomptes pour au moins 95 % de leur montant avant la fin décembre 2017.

La création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices des sociétés était la solution qui permettait de minimiser l’écart moyen entre le montant dû par chaque entreprise au titre de ce nouvel impôt, et le montant reçu en remboursement de la taxe sur les dividendes. Il reste néanmoins que certaines sociétés doivent payer beaucoup plus au titre du nouvel impôt qu’elles ne sont remboursées au titre de l’ancien. C’est  notamment le cas des sociétés qui n’ont pas distribué de dividendes au cours des années 2013 à 2017, qui s’avèrent paradoxalement être les plus pénalisées par l’instauration de cette taxe sur les dividendes.

L’extension des régimes fiscal et social des microentreprises

Les contribuables qui exercent une activité relevant des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC), et dont les recettes ne dépassent pas les limites annuelles prévues pour la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), sont imposés selon un régime semi-forfaitaire d'imposition.

Ces limites étaient de 82 800 € pour les ventes de marchandises ou denrées, et de 33 200 € pour les prestations de services et les activités non commerciales. Les entreprises individuelles dont le chiffre d’affaires est inférieur sont imposées, au titre de l’impôt sur le revenu, sur un bénéfice estimé forfaitairement à 29 % de ce chiffre d’affaires pour les ventes de marchandises et denrées, à 50 % pour les prestations de services et à 66 % pour les activités non commerciales.

Ces régimes fiscaux, dits micro-BIC et micro-BNC, ouvrent droit à un régime simplifié, dit microsocial, de calcul des cotisations et prélèvements sociaux. Ceux-ci sont égaux à 13,1 % du chiffre d’affaires pour les ventes de marchandises et denrées, à 22,7 % pour les prestations de services et à 22,5 % pour les activités libérales.

Ces dispositifs allègent fortement les obligations fiscales et sociales des entrepreneurs individuels et, dans un souci de simplification administrative, le Gouvernement a proposé au Parlement, qui l’a voté, d’en relever les limites de chiffre d’affaires. Celles-ci sont désormais de 170 000 € pour les ventes, et de 70 000 € pour les prestations de services et les activités non commerciales.

Les entreprises individuelles qui ont des charges importantes et un bénéfice réel inférieur à celui qui résulte de ces estimations forfaitaires peuvent toutefois avoir intérêt à opter pour le régime réel d’imposition des BIC et BNC, même si cela se traduit par des formalités plus lourdes. Il suffit qu’elles en fassent la demande.

L’évaluation préalable de cette mesure de relèvement des plafonds montre que seulement 6 000 entrepreneurs gagneraient à passer des régimes réels d’imposition à ces régimes micro fiscaux et sociaux. Le coût pour les administrations publiques, Etat et sécurité sociale, sera en conséquence limité à 21 M€.

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