Au niveau national, force est de constater que les messages continuent d’arriver en ordre dispersé, avec des interventions médiatiques à tous les niveaux de responsabilité, depuis le chef de l’État le 14 juillet, jusqu’au directeur général de la Santé, en passant par le Premier ministre dans son discours de politique générale et le ministre de la Santé. Du côté médical, le Conseil scientifique semble s’être mis en retrait, mais son président continue d’intervenir régulièrement, dans la presse écrite comme à la télévision, sans qu’on sache si cette parole a une valeur institutionnelle ou devient celle d’un lanceur d’alerte.
Ce manque de clarté nourrit les incertitudes et les inquiétudes et pourrait se révéler très problématique en cas de reprise épidémique forte. Une nouvelle situation de crise serait sans doute plus facile à gérer avec une forte concentration de la communication sur deux émetteurs clairement identifiés : un émetteur politique unique et un émetteur scientifique indépendant mais clairement mandaté. Ce dernier serait l’équivalent d’un "Chief Medical Officer" qui n’aurait pas de responsabilité administrative mais aurait la mission de s’appuyer sur l’ensemble des informations disponibles pour porter une parole de référence à destination du public comme des responsables politiques et administratifs.
Qu’en est-il du degré de préparation du dispositif sanitaire destiné à contrôler l’épidémie ?
Là encore, beaucoup d’éléments essentiels ont été mis en œuvre et le dispositif, qu’il s’agisse de la capacité de tester, de remonter les chaînes de contamination ou de mobiliser une capacité hospitalière rapide, est désormais en ordre de bataille. Pour autant, il reste beaucoup d’incertitudes sur la capacité de ce dispositif à réagir rapidement, à monter en puissance, ou à identifier toutes les vulnérabilités. C’est le cas par exemple sur la question des tests, pour lesquels de nombreux signaux d’alerte remontent sur la saturation de certains centres de tests et la longueur des délais pour obtenir le résultat, inquiétudes dont le professeur Delfraissy s’est fait le relai. Autant que la coordination du dispositif, c’est la transparence de l’information sur la performance des instruments de lutte sanitaire qui permettra d’informer, de rassurer, et de mobiliser l’ensemble des acteurs de la lutte contre la pandémie.
Autre point capital sur lequel un débat éclairé et transparent apparaît indispensable, celui des dispositifs de contrôle et de suivi mis en œuvre dans les aéroports. La pandémie est plus que jamais mondiale et la question des contrôles aux frontières est essentielle. À ce stade, ni le cadre juridique possible, ni les dispositifs effectivement mis en place ne font l’objet d’une communication claire ou d’une stratégie lisible de la part des pouvoirs publics. Entre les signaux d’alerte lancés sur les réseaux sociaux et dans les médias, et une communication officielle essentiellement destinée à rassurer, il manque un dispositif permettant d’informer et de débattre pour éclairer à la fois les décideurs et les citoyens.
La décision d’imposer le port du masque dans les lieux publics est-elle un tournant dans la gestion de la pandémie ?
Oui, cette décision apparaît comme un tournant, non pas tant du fait du dispositif lui-même que de la manière dont il a été imposé dans le débat par de nouveaux acteurs, issus du monde médical au sens large et de la société civile, à partir des réseaux sociaux.
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