Il faut y voir le reflet de l’enjeu aux yeux américains : celui de l’ordre international et de la centralité américaine au sein de cet ordre.
C’est la vision du conseiller Chine du NSC (Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche), Rush Doshi, exposée dans son livre récemment publié, pour qui la Chine entend remplacer les États-Unis comme centre (hegemon) et inspirateur (principes et normes) d’un ordre international révisé. C’est aussi celle de son chef, Kurt Campbell, coordinateur de la stratégie Indopacifique américaine à la Maison Blanche, ancien artisan du pivot obamien, qui défend depuis longtemps une réorientation générale de la stratégie américaine (militaire, technologique et commerciale) vers l’Asie. C’est enfin ce qui émanait du Pentagone, dont le secrétaire à la Défense Lloyd Austin a présenté sa vision de dissuasion intégrée dont l’enjeu est de placer les États-Unis au centre d’un réseau d’alliances reliant Europe et Asie.
Il y a bien une filiation d’Obama à Trump et de Trump à Biden, mais se fixer sur ces continuités empêche de voir la rupture permise par Trump, le populiste qui a ébranlé le système : avec Trump, les États-Unis ont embrassé une stratégie post-atlantique. Biden s’inscrit dans cet héritage, et les États-Unis ont bien "pivoté". Washington est ainsi sorti de l’ère post-guerre froide ; les Européens y travaillent encore.
Clarification méthodologique : les conséquences des dysfonctionnements américains
Parler de continuité avec la méthode Trump occulte cependant un aspect essentiel de la politique étrangère américaine contemporaine, ses dysfonctionnements, pour ne pas dire plus, résultant d’un système qui fonctionne de plus en plus mal sous fond de polarisation partisane exacerbée. L’absence de consultations, entre Washington et Paris cette fois, mais qui concerne plus largement les Européens depuis l’arrivée de la nouvelle administration démocrate, résulte aussi de ces dysfonctionnements politiques, particulièrement frappants du côté du département d’État. Neuf mois après l’investiture de Biden, l’administration n’est toujours pas pleinement installée et les revues stratégiques, y compris sur la Chine, sont toujours en cours, ce qui explique aussi les continuités avec Trump.
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