Comment l’assurance chômage va-t-elle évoluer à la suite de l’annonce d’Edouard Philippe ?
Cette réforme comporte quatre volets d’importance inégale.
Le premier est un durcissement clair et assumé des conditions d’ouverture des droits, qui étaient la grande spécificité française dans ce domaine : retour à la durée minimale de cotisation à son niveau d’avant la crise de 2009, durcissement des conditions de rechargement des droits.
Deuxième volet, la réforme se traduira également pour de nombreux chômeurs récurrents par une baisse du niveau d’indemnisation en raison de la modification du mode de calcul : jusqu’à aujourd’hui, et depuis l’origine, l’allocation était calculée sur une base journalière, en référence à un salaire journalier de référence. La combinaison de ce mode de calcul et de conditions d’ouverture de droits particulièrement souples (et fortement assouplies depuis la crise de 2009) impliquait qu’à salaire mensuel donné, un chômeur pouvait durablement gagner davantage en travaillant une fraction de mois avec un salaire journalier élevé qu’en travaillant un mois entier avec un salaire journalier plus faible.
Troisième élément, le pendant de cette réforme côté employeur est la création d’un système de bonus-malus sur les cotisations employeur dont le niveau dépendra de la proportion de ruptures de contrats (rapportés à l’effectif de l’entreprise) qui se traduisent par une inscription à Pôle emploi. Très intelligents dans son principe (faire payer une partie du coût de l’assurance par celui qui provoque le fait générateur), ce système voit sa portée singulièrement réduite par le choix fait par le gouvernement de réduire ce dispositif à seulement quelques secteurs d’activité et pour une modulation très faible (+/- 1 point de cotisations). Tout se passe comme si le gouvernement ne croyait pas véritablement à ce système… ! Dès lors, la réforme paraît assez déséquilibrée économiquement et politiquement : d’un côté, un durcissement substantiel des conditions d’indemnisation pour les chômeurs récurrents afin de les inciter à reprendre des emplois plus longs et plus rapidement, de l’autre côté une faible responsabilisation des employeurs.
Le quatrième volet de la réforme consiste en l’introduction, à partir du 7e mois, d’une dégressivité de 30 % sur les allocations chômage pour les chômeurs ayant perçu précédemment des salaires supérieurs à 4500 euros bruts mensuels, soit une partie des cadres. Cette réforme, qui reste relativement symbolique vu son calibrage (seuls environ 2,2 % des chômeurs étaient précédemment dans cette situation, selon les chiffres de l’Unédic) et peut être considérée comme une mesure de "rééquilibrage" politique, envoie aux cadres un signal assez contestable. Plafonner leur indemnisation à un niveau comparable à celui prévalant dans les autres pays européens alors même qu’ils sont les seuls à payer une contribution à l’assurance-chômage (en l’occurrence la CSG) totalement déplafonnée ne va pas de soi. En outre, ce volet de la réforme traduit également une forme de méconnaissance de la réalité du marché du travail des cadres qui, même s’ils sont proches du plein emploi, ont souvent besoin d’une durée importante pour retrouver du travail (nombreux entretiens, tergiversation de l’entreprise, sélection par un chasseur de têtes…). Quant aux cadres qui abusent du système en retardant de quelques semaines leur entrée dans l’emploi suivant pour bénéficier quelque temps de l’assurance-chômage, ils ne resteront pas assez longtemps au chômage pour être touchés par la dégressivité.
Après cette réforme, notre système d’indemnisation reste-t-il toujours parmi les plus généreux en Europe ? Et que reste-t-il à faire sur le front du chômage ?
Incontestablement. Après la réforme, les conditions d’éligibilité resteront encore les plus favorables. Quant au niveau des allocations (en proportion du salaire antérieur), il restera inchangé, dans la moyenne européenne.
S’agissant de ce qu’il reste à faire sur le front du chômage, les réformes réussies du marché du travail reposent toujours sur quatre piliers : droit du travail, formation professionnelle, indemnisation du chômage et service public de l’emploi.
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