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12/03/2019

Bonus-malus : comment résoudre le casse-tête des contrats courts

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Bonus-malus : comment résoudre le casse-tête des contrats courts
 Bertrand Martinot
Auteur
Expert Associé - Apprentissage, Emploi, Formation Professionnelle

Le débat fait rage autour du "bonus-malus" sur les cotisations patronales d'assurance-chômage souhaité par le gouvernement pour faire reculer l'excès de recours à des emplois courts, une forme d'exception française dont on se passerait volontiers. Malheureusement, il n'échappe pas à la caricature.

D'un côté, nous avons un patronat qui n'a pas de mots assez durs pour stigmatiser une "taxation des contrats courts" qui pénaliserait l'emploi. Il oublie naturellement le volet "bonus", qui diminuerait d'autant les cotisations patronales des entreprises qui stabiliseraient leur main-d'oeuvre. On sait par exemple à quel point l'industrie serait gagnante dans une telle opération. 

On regrettera au passage que le patronat, qui dénonce à juste titre le niveau des charges sociales en France, ait, depuis tant d'années, accepté, lors des négociations successives, d'accroître des cotisations d'assurance-chômage qui sont aujourd'hui les plus élevées d'Europe - l'équivalent d'un mois de salaire net par an et par salarié ! -, sans s'être jamais attaqué à la question de l'indemnisation des épisodes courts de chômage.

Deux propositions

Du côté des syndicats et du gouvernement, deux propositions tiennent la corde. La première, portée par plusieurs syndicats, consiste à faire dépendre le niveau de cotisation de la durée en emploi, quelle que soit la nature du contrat (CDD, intérim, CDI...). L'idée est intéressante car elle donnerait aux entreprises une incitation à stabiliser leur main-d'oeuvre. 

Son principal défaut est pourtant qu'elle serait déconnectée des coûts que l'entreprise fait effectivement peser sur l'assurance-chômage : par exemple, un restaurant se séparant d'un extra après un CDD d'une journée qui retrouverait immédiatement un emploi serait pénalisé par rapport à une entreprise qui licencierait un senior qu'elle emploie depuis vingt ans sans jamais l'avoir formé et qui resterait au chômage pendant trois ans.

La deuxième est le projet du gouvernement, en partie explicité dans la loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel". Elle consiste à faire dépendre le taux de cotisation patronale du rapport entre le nombre de ruptures de contrats au cours d'une année donnant lieu à une inscription au chômage et le nombre de salariés présents. Pour ne pas pénaliser certains secteurs (par exemple l'hôtellerie-restauration), des "taux pivots" sectoriels seraient introduits. Les secteurs qui coûtent cher à l'assurance-chômage continueraient donc d'être implicitement subventionnés par ceux où l'emploi est plus stable.

Une troisième voie

Il est dommage que l'on n'explore pas une troisième voie, qui viserait à acclimater en France le mécanisme dit d' "experience rating" pratiqué aux Etats-Unis depuis les années 1930, solution promue par exemple par Jean Tirole. Celui-ci consiste à faire payer à chaque entreprise une partie du coût net qu'elle fait peser sur l'assurance-chômage

Concrètement, l'entreprise se voit attribuer un compte qui retrace l'écart entre le montant des cotisations qu'elle verse et les allocations qui sont versées par l'assurance-chômage aux salariés dont elle s'est séparée pendant une période donnée, par exemple un an. Si cet écart est négatif, elle s'en voit restituer une partie (disons 20 ou 30 %) sous forme de bonus sur ses cotisations de l'année suivante. 

A l'inverse, si les dépenses qu'elle occasionne à l'assurance-chômage excèdent ses contributions, elle doit en payer une partie sous forme de malus. Ce mécanisme simple et universel serait partie intégrante d'une assurance bien conçue, qui "contrôle le risque". Il aurait aussi pour intérêt d'inciter les entreprises à maintenir l'employabilité de leurs salariés les plus fragiles : se séparer d'un salarié, quelle que soit la nature de son contrat, lui coûterait en effet d'autant moins cher que celui-ci serait en mesure de retrouver rapidement un emploi.

 

Avec l'aimable autorisation des Echos (publié le 05/03/2019).
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