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19/10/2016

Quel contrat en faveur de l’emploi ?

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Quel contrat en faveur de l’emploi ?
 Marc-Antoine Authier
Auteur
Chargé d'études - Energie, Développement durable

Le statu quo n'est pas tenable

Les partenaires sociaux parviendront-ils à signer une nouvelle convention pour le régime d'assurance-chômage avant l'élection présidentielle de mai 2017 ? Le débat vient d'être relancé, quelques mois après l'échec des négociations en juin dernier. La taxation des contrats courts, c'est-à-dire l'augmentation des cotisations patronales en fonction de la précarité du contrat proposé, en était le principal élément bloquant. L'État avait donc dû proroger par décret la convention adoptée par les syndicats et le patronat en 2014. Cependant, les doutes planent encore sur la reprise effective des négociations, car les positions sur la question de la taxation des contrats courts n'ont pas évolué.

Le désaccord des partenaires sociaux met en question leur capacité à prendre les initiatives nécessaires pour résorber le déficit du régime d’assurance-chômage. Or, ce dernier ne cesse de se creuser et l’urgence de la situation alimente déjà les débats en vue des prochaines échéances électorales. En attendant que les partenaires sociaux décident de se remettre autour de la table pour prendre les décisions à la hauteur des enjeux, quels sont les leviers dont dispose l’État pour lutter contre les inégalités sur le marché de l’emploi ?

Un système actuel en faveur des insiders

La crispation autour de la question de la taxation des contrats courts prend ses racines dans les inégalités d’accès à l’emploi. Plus particulièrement, elle réactive les débats sur la dualité qui caractérise le marché du travail en France, comme l’avait mise en lumière l’étude réalisée par Sylvain Catherine, Augustin Landier et David Thesmar pour l’Institut Montaigne, Marché du travail : la grande fracture. Cette dualité révèle notamment un contraste net entre les profils qualifiés intégrés dans l’emploi et les profils moins qualifiés qui s’intègrent plus difficilement. La récente étude sur les transitions professionnelles que France Stratégie vient de rendre publique confirme ainsi l’existence d’un marché du travail à deux vitesses. Elle rappelle le fort décalage qui creuse les inégalités entre les insiders qui disposent d’un contrat à durée indéterminée (CDI) et des protections afférentes d’une part, et les outsiders, qui ne parviennent pas à décrocher un contrat stable et qui enchaînent contrats courts et périodes de chômage.

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Ainsi, si l’on s’intéresse aux contrats en stock, le marché du travail semble relativement peu précaire : 86 % des salariés sont déjà en CDI. Mais les flux sont eux bien plus inquiétants : 86% des embauches se font en contrat à durée déterminée (CDD). Les protections offertes par le CDI demeurent largement inaccessibles pour eux.

Si l’on souhaite rapprocher le niveau des charges salariales en France de celui des nos pays voisins les compétitifs, la taxation des CDD apparaît comme un obstacle supplémentaire à l’embauche. Cette proposition pourrait donc avoir des conséquences négatives sur l’emploi et resterait sans aucun doute un facteur de tensions entre les partenaires sociaux. Afin de créer un système incitatif vertueux, il serait plus pertinent d’instaurer un système de bonus-malus, comme le propose l’Institut Montaigne dans la note ''Une nouvelle ambition pour l’apprentissage : dix propositions concrètes''.

Si les partenaires sociaux ne parviennent pas à s’accorder sur une nouvelle convention d’assurance chômage, quels sont les outils dont dispose aujourd’hui la puissance publique pour débloquer cette situation ?

Quelles réformes appliquer dès maintenant ?

Face à ce constat d’inégalités sur le marché de l’emploi, il est nécessaire d’engager des mesures de fond qui permettront de rompre avec cette dualité qui pèse sur le financement de l’assurance chômage autant qu’elle nuit à la cohésion sociale de notre pays. En effet, les conséquences ne sont pas seulement macroéconomiques : cette dualité affecte également lourdement les parcours professionnels des outsiders, qui ne jouissent pas des mêmes garanties que les insiders. Leurs parcours professionnels et personnels en sont fragilisés : moindre accès à la formation, manque de stabilité, difficulté à obtenir des prêts, etc.

Dans l’ouvrage Un autre droit du travail est possible, rédigé par Bertrand Martinot et Franck Morel, l’Institut Montaigne propose de refonder le Code du travail sur la base d’un triptyque : libérer, organiser, protéger. Parmi les recommandations concrètes formulées à destination des pouvoirs publics, nous proposons de réformer le contrat de travail en adoptant un CDI conventionnel. La loi définirait les principes généraux du licenciement et renverrait au dialogue social le soin de détailler les motifs légitimes branche par branche et entreprise par entreprise. À la dualité CDI/CDD se substituerait donc un continuum de solutions contractuelles en phase avec la diversité des situations.

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