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14/04/2016

Augmentation du salaire minimum au Royaume-Uni : décryptage

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Augmentation du salaire minimum au Royaume-Uni : décryptage
 Morgan Guérin
Auteur
Fellow - Europe, Défense


Plusieurs économies développées ont pris la décision d'augmenter le montant du salaire minimum obligatoire. C'est le cas du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'État de New-York ou de la Californie. Si cette mesure vise à améliorer le pouvoir d'achat et ainsi stimuler la consommation, son impact sur la croissance et la compétitivité diffère selon les cas de figure.

Le 1er avril dernier, le salaire horaire minimum britannique (National Living Wage) passait de 6,70 à 7,20 livres sterling, soit 9,20 euros contre 9,67 euros en France actuellement. Avec un taux de chômage de 5,1 % de la population active et de 14 % pour les jeunes, le marché de l'emploi britannique présente un dynamisme réel par rapport à certains de ses voisins européens. L'augmentation du salaire minimum  ne concerne néanmoins que les employés de plus de 25 ans, les montants perçus par les salariés plus jeunes restant à leur niveau d'origine.

Cette hausse ne devrait pas s’arrêter là. Le ministre des finances Georges Osborne, fixe l’objectif d’un salaire horaire minimum de 9,40 £ à l’horizon 2020, soit 60 % du salaire médian. 

Augmentation des salaires, diminution des aides sociales

Le salaire minimum a été introduit au Royaume-Uni par le gouvernement travailliste de Tony Blair en 1998. A l’époque, le parti conservateur s’était fermement opposé à cette mesure. Dès sa création, ce dispositif prévoyait des montants différenciés en fonction de l’âge : 3,87 £ en-dessous de 18 ans, 5,30 £ de 18 à 21 ans et 6,70 £ pour les plus de 21 ans.

Le fait qu’un gouvernement conservateur décide d’augmenter le salaire minimum n’a pas manqué de surprendre la presse européenne. Néanmoins, cette mesure trouve tout son sens dans le cadre de la politique budgétaire globale mise en place par George Osborne qui comprend notamment un plan visant à diminuer drastiquement la dépense publique.

D’importantes coupes dans les dépenses sociales sont ainsi prévues :

  • allocations de soutien à l’emploi : 1,4 milliard £ d’économies en quatre ans ;
  • prestations pour les personnes en âge de travailler : 7,2 milliards £ d’économies en quatre ans ;
  • allocation d’aide aux familles : 1,1 milliard £ d’économies en quatre ans ;
  • crédits d’impôts afférents à certaines politiques sociales : 5,4 milliards £ d’économies en quatre ans et plus de 3 milliards d’économies à horizon 2020 ;
  • ainsi que plusieurs autres dépenses sociales, dont l’aide au logement.

Il est à noter que le gouvernement a retiré une des mesures visant à diminuer de 1,3 milliard £ les prestations d’invalidité destinées aux handicapés. La proposition avait soulevé d’importantes critiques et causé la démission d’un membre du gouvernement, le ministre du travail Iain Duncan Smith.

Des entreprises impliquées

Selon le Regulatory Policy Committee, commission parlementaire de la Chambre des communes du Royaume-Uni, l’augmentation de 7,5 % du salaire minimum intervenue le 1er avril dernier devrait toucher près de 2 millions de salariés et représenter pour la première année un coût direct pour les entreprises de 821 millions £. Néanmoins, ce surcoût devrait être en partie compensé par le volet fiscal des mesures budgétaires présentées par George Osborne. Le ministre, qui a déjà fait évoluer le taux d’imposition sur les sociétés de 28 % à sa nomination en 2010 à 20 % actuellement, compte poursuivre cette tendance pour atteindre 17 % en 2020. De plus, certaines entreprises britanniques ont d’ores et déjà pris l’initiative de rémunérer leurs salariés à 9,40 £ de l’heure, soit le montant minimum prévu pour 2020.

L’augmentation du salaire horaire minimum s’inscrit donc dans le contexte d’une stratégie économique et budgétaire plus large, visant le retour à l’équilibre des finances publiques avant les élections générales de 2020. Si la mesure tend à corriger le faible pouvoir d’achat des ménages britanniques, notamment celui des plus modestes, il n’est pas certain que le montant de cette augmentation soit de nature à compenser intégralement l’effet des coupes budgétaires dans le cadre du plan Osborne. Enfin, concernant le marché du travail, le gouvernement considère que l’augmentation du salaire minimum devrait détruire 60 000 emplois, là où l’économie britannique crée chaque année 500 000 postes. 

Pour aller plus loin
Etat de New York, Californie : le pari du salaire minimum à 15 $
Salaire minimum en Allemagne : quel impact ?

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