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05/10/2012

Pourquoi faut-il décentraliser l’orientation ?

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Pourquoi faut-il décentraliser l’orientation ?
 Lucie Piolot
Auteur
Chargée d 'études



Dans un entretien accordé aux Echos (*), le ministre de l’Education nationale Vincent Peillon a annoncé son intention de renforcer les liens entre l’école et l’entreprise et de territorialiser le service public de l’orientation en confiant sa coordination aux régions. A l’heure où s’ouvrent au Sénat les travaux des États généraux de la démocratie territoriale, la refonte du système d’accompagnement vers l’emploi est un levier crucial pour lutter contre le chômage des jeunes et pour permettre à chacun de s’épanouir dans son activité professionnelle.

L’échec de l’orientation "à la française"

La refonte des systèmes d’orientation et d’insertion professionnelle est une urgence que trois chiffres suffisent à appréhender :

  • l’échec scolaire en France est massif : chaque année, près de 20 % des jeunes sortent du système éducatif sans diplôme ni qualification ;
  • le nombre de "décrocheurs" (ni scolarisés, ni en emploi) est alarmant : ils représentent 11 % de leur classe d’âge ;
  • les jeunes les moins qualifiés sont les plus touchés par le chômage : il concerne 40 % des non-diplômés, contre 9 % des diplômés du supérieur.


L’orientation à l’école devrait établir un lien entre la formation des jeunes, la réalisation de leurs aspirations et les besoins du monde du travail. Or, pour l’heure, le système français ne joue pas son rôle d’articulation entre l’école et le monde extérieur mais fonctionne au contraire selon une logique de "tri" des bons et des mauvais élèves et pousse beaucoup de jeunes vers des voies sans avenir ou qui ne les intéressent pas.

Décentralisation, acte III

Il faut toutefois se garder d’un certain "mythe de l’orientation" qui voudrait que les jeunes sachent depuis le plus jeune âge vers quel métier s’orienter. L’orientation scolaire doit avoir une fonction complémentaire de mise en réseau, à travers des rencontres avec des professionnels, des mises en situation et des visites sur site. Elle doit permettre aux jeunes, dès le début du secondaire, de développer la connaissance de soi, l’autonomie face à des choix de vie, la découverte des métiers.

Pour ce faire, l’orientation doit être pilotée au niveau local par les collectivités territoriales pour permettre plus de souplesse dans la mise en œuvre des dispositifs de suivi et de soutien des jeunes.

La déclaration de M. Peillon s’inscrit dans l’ "acte III" de la décentralisation annoncé par le président dès le début de son mandat. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a récemment scellé l’accord entre l’État et les régions par une déclaration commune avec Alain Rousset, président de l’Association des régions de France (ARF)[1] . Celle-ci donne aux régions pour mission de moderniser le service public de l’orientation qu’elles ont "vocation à coordonner et animer", dans l’objectif qu’en cinq ans le nombre de jeunes entrant sur le marché du travail sans qualification soit divisé par deux.

Un pas dans la bonne direction !

Dans la note Choisir les bons leviers pour insérer les jeunes non qualifiés, l’Institut Montaigne soulignait la nécessité d’adapter les politiques d’orientation scolaire et d’insertion professionnelle aux réalités du territoire. Pour ce faire, plusieurs leviers d’action ont été identifiés, parmi lesquels :

  • ouvrir le monde enseignant aux professionnels issus de l’entreprise, en incluant systématiquement des stages de découverte de l’entreprise dans la formation des enseignants. De plus, le recrutement d’enseignants pourrait être ouvert à des personnes issues du monde de l’entreprise, en créant un statut de "professeur associé" similaire à celui qui existe dans l’enseignement supérieur ;
  • introduire dès le collège des cours d’orientation dispensés par des enseignants ou des professionnels extérieurs, sur le modèle des Pays-Bas, de l’Allemagne ou du Québec ;
  • décentraliser le système d’orientation et d’insertion pour répondre aux besoins des bassins d’emploi, là où se jouent les rencontres entre employeurs et jeunes. Pour cela, il faudrait identifier au niveau local un chef de file qui piloterait les activités des différents acteurs et dispositifs existants et disposerait d’un véritable budget décentralisé.


Bien que l’échelle du bassin d’emploi ou de la communauté d’agglomération eût été plus pertinente que celle des régions, l’Institut Montaigne encourage les actions menées actuellement qui vont dans le sens d’une orientation plus en prise avec le monde du travail et de ses réalités locales.

(*) Vincent Peillon : « Il faut faire découvrir l’entreprise et les métiers dès la sixième », Les Echos, 2 octobre 2012.
http://www.lesechos.fr/economie-politique/politique/actu/0202302353435-vincent-peillon-il-faut-faire-decouvrir-l-entreprise-et-les-metiers-des-la-sixieme-368250.php

Notes

[1] 15 engagements pour la croissance et l’emploi, Déclaration commune État-régions, 12 septembre 2012. http://www.arf.asso.fr/wp-content/uploads/2012/09/15-ENGAGEMENTS-croissance-emploi.pdf

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