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01/06/2012

Simplifier la gestion de la sécurité sociale pour faire baisser les coûts

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Simplifier la gestion de la sécurité sociale pour faire baisser les coûts
 Angèle Malâtre-Lansac
Auteur
Ancienne directrice déléguée à la Santé



Dans une tribune publiée récemment par le Figaro, Jacques Bichot, professeur émérite à l’Université Lyon III, auteur de Réforme des retraites : vers un big-bang ? (Institut Montaigne, mai 2009), propose de simplifier la gestion de la sécurité sociale afin de générer des économies.

Pour cet économiste, "la gestion de la sécurité sociale pourrait être réalisée à moindre frais en rationalisant son organisation. Aux Etats-Unis, les coûts de fonctionnement du système de retraites par répartition qui couvre 97 % des citoyens représentent 0,7 % des pensions versées. En Suède. Les frais de gestion de l’assurance-vieillesse sont de 0,8 %. En France, nous en sommes, tous régimes confondus, à près de 2 %. Faire aussi bien que ces deux pays économiserait environ 3 milliards par an".

Du côté de l’Assurance maladie, la gestion du risque est assurée à la fois par l’Assurance maladie et par les complémentaires santé. Pour Jacques Bichot, "iI serait beaucoup moins coûteux de rembourser les malades en une seule fois: 4 milliards d'euros pourraient probablement être économisés".

Lire l'intégralité de la tribune :

Les candidats aux élections détaillent facilement leurs projets onéreux ; les méthodes qu’ils utiliseraient pour diminuer les dépenses publiques sans nuire à l’activité sont moins précisées. Pourtant, il existe des réformes susceptibles de remplir cette double condition. Ainsi la gestion de la sécurité sociale pourrait-elle être réalisée à moindre frais en rationalisant son organisation.

Les coûts de fonctionnement du système de retraites par répartition qui couvre 97 % des citoyens américains représentent 0,7 % des pensions versées. En Suède, les frais de gestion de l’assurance vieillesse sont de 0,8 %. En France, nous en sommes, tous régimes confondus, à près de 2 %. Faire aussi bien que ces deux pays économiserait environ 3 milliards par an, puisque les pensions distribuées atteignent 260 milliards. Cela vaut donc la peine de se demander comment ils font.

Premièrement, il existe dans ces pays un régime unique, au lieu de trois douzaines en France. Un américain perçoit une seule retraite par répartition ; certains français en ont sept ou huit, et la moyenne est à 2,5 : cela multiplie les frais de gestion. Deuxièmement, les règles françaises sont, dans chaque régime, nettement plus compliquées que leurs homologues suédoise et américaine : cela aussi augmente le coût de fonctionnement. Une réforme systémique fusionnant les 36 régimes français et simplifiant les règles auxquelles ils sont soumis déboucherait donc sur d’importants gains de productivité. Or la loi retraites 2010 dispose qu’une réforme systémique doit faire l’objet de débats en 2013 : comment se fait-il que les candidats n’incluent pas dans leur programme la préparation immédiate des projets à discuter ?

Regardons maintenant la gestion de l’assurance maladie : pour la plupart les Français ont deux assureurs, la sécurité sociale et une "complémentaire santé" (mutuelle, assurance ou institution de prévoyance). Cela double les frais de gestion, qui atteignent 6 milliards d’euros pour la "sécu" et probablement autant pour les complémentaires. Il serait beaucoup moins coûteux de rembourser les malades en une seule fois : 4 milliards d’euros pourraient probablement être économisés chaque année en autorisant les caisses primaires à proposer une couverture complémentaire, et les complémentaires à gérer la couverture de base de leurs adhérents, comme certaines le font déjà. Cerise sur le gâteau, la vie des assurés sociaux serait simplifiée.

Venons-en enfin à la branche famille. Cette fois, les coûts de gestion ne sont pas amplifiés par une superposition d’organismes prestataires, mais par la complication des règles relatives aux prestations familiales. En pourcentage, ils sont lourds : 3,7 %, les charges de gestion courante atteignant 2,3 milliards d’euros pour 62 milliards de prestations famille et logement. Cela ne tient pas à la productivité des CAF et de la CNAF, qui est globalement convenable, mais au nombre excessif des types de prestations, qui induit une multiplication des tâches administratives. Si les mêmes sommes étaient versées aux familles de manière moins compliquée, par exemple en réduisant les types de prestations de deux douzaines à une seule douzaine, cela permettrait d’économiser plusieurs centaines de millions d’euros de frais de gestion.

Une objection ne manquera pas d’être soulevée : les quelque 7 milliards d’économies dont il vient d’être question se composent surtout de frais de personnel ; vont-ils se traduire par des dizaines de milliers d’emplois en moins ? Cette objection a déjà été faite à propos de la réduction du nombre des fonctionnaires de l’État et de bien d’autres diminutions d’effectifs. Si elle était valable, la disparition de millions d’emplois agricoles entre 1946 et 1965 aurait porté le taux de chômage à plus de 10 % en 1965 : or il n’atteignait cette année-là que 1,5 %. Le dynamisme de l’économie durant les "trente glorieuses" a créé suffisamment d’emplois pour remplacer ceux qui disparaissaient en agriculture et accueillir les rapatriés d’Algérie. Mais ce dynamisme est aujourd’hui freiné par des complications institutionnelles et normatives inutiles qui, de tous côtés, freinent les initiatives : étendons à l’ensemble de la législation et de la réglementation la démarche simplificatrice proposée ci-dessus pour la sécurité sociale, et l’emploi repartira de l’avant !

Aller plus loin :

- Retraites : deux chantiers à ouvrir d'urgence - Institut Montaigne, aout 2011

- Réformer les retraites : pourquoi et comment - Institut Montaigne, juin 2010

- Réforme des retraites : vers un big-bang ? - Institut Montaigne, mai 2009.

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