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18/07/2011

Vers un nouveau "miracle grec"

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Vers un nouveau
 Claude Bébéar
Auteur
Président d'honneur, Fondateur


Tribune de Claude Bébéar et Frédéric Bonnevay parue dans Le Figaro du 8 juillet 2011 - Les auteurs proposent une solution alternative au plan de sauvetage actuellement à l'étude par la communauté internationale.

Par deux fois en moins de deux ans, l'Union européenne et le fonds monétaire international (FMI) se sont portés au secours de la Grèce. Les incertitudes concernant l'étendue réelle du sinistre et le risque de contagion sur les marchés de capitaux menacent de déporter les turbulences vers l'Espagne, le Portugal et l'Italie - sinon vers la France. Or, ni l'UE ni son bras armé financier, la Facilité de stabilisation financière européenne, n'a les moyens d'alimenter indéfiniment le Trésor grec. Pourtant une alternative peut être trouvée.

En attendant, ce deuxième plan de sauvetage doit être le dernier. Ce plan repose sur trois volets. Pour renforcer la solvabilité d'un État défaillant, des mesures d'austérité budgétaires - comme celles imposées par l'UE et le FMI, à hauteur de 28 milliards d'euros - sont clairement indispensables.

Pour restaurer la liquidité des titres grecs, la communauté internationale semble disposée à adopter la proposition formulée par la Fédération bancaire française (FBF) et inspirée par l'expérience des Brady bonds.

Sa clef de voûte consiste à obtenir des détenteurs d'obligations souveraines grecques un réinvestissement partiel des sommes remboursées à maturité par achat de nouveaux titres à trente ans offrant un coupon de 8% au plus. Un portefeuille d'obligations notées AAA garantirait le principal de ces titres.

L'UE et le FMI demandent aussi au gouvernement de réduire la taille du bilan public, en privatisant des actifs valorisés entre 50 et 60 milliards d'euros, au prix de renonciation définitive aux recettes générées chaque année par ces actifs.

En dépit de ses mérites, ce plan souffre de faiblesses. Premièrement, les bienfaits attendus de la cure d'austérité pourraient être surestimés. La brusque application d'une discipline fiscale sévère risque de brider la consommation et de décourager tout investissement direct étranger, sans conduire à l'équilibre budgétaire attendu.

Deuxièmement, la proposition de la FBF pèche par manque de clarté sur plusieurs points essentiels, comme la nature exacte des obligations apportées en garantie. De plus, la mise en œuvre de cette proposition pérenniserait l'exposition des créanciers au risque souverain grec, en échange d'une rémunération faible. Enfin, l'ambition limitée de cette proposition - éviter la fuite des créanciers actuels de l'État grec dès le remboursement des obligations - n'en fait, au mieux, qu'une solution temporaire, peu susceptible d'aider l'État grec à retourner vers les marchés.

Troisièmement, le programme de privatisation est inopportun. Les montants qu'il dégagerait, dans un climat boursier peu favorable, risquent de décevoir. Pire, l'annonce de la vente des actifs concernés risque de précipiter la population grecque dans la rue, alors que le maintien de la paix sociale est indispensable au sauvetage du pays.

Une solution alternative, construite sur les mêmes bases que le plan actuellement à l'étude, pourrait résoudre plus efficacement les problèmes de liquidité en neutralisant tout éventuel trouble social.

Cette solution verrait l'Etat loger ses principaux actifs productifs - terrains, services d'utilité publique, infrastructures portuaires et aéroportuaires - dans une société privée ad hoc.

Cette société, dont l'État serait seul actionnaire mais dont l'UE et le FMI auraient le plein contrôle, émettrait des obligations à long terme, adossées aux flux générés par les actifs précités.

Ces obligations seraient ensuite placées auprès des créanciers actuels de l'Etat grec en échange de leurs obligations souveraines, par l'éventuelle entremise de prêts relais octroyés par la BCE. Ce mécanisme, évitant de déclencher les crédits default swaps, réduisant l'endettement net d'Athènes comme sa charge d'intérêt, inciterait fortement les banques européennes à participer.

La qualité de crédit des actifs publics grecs est devenue très supérieure à celle de la Grèce elle-même. La population continuera, bon an, mal an, à payer ses factures de gaz et d'électricité tandis qu'il faudra sans doute de nombreuses années pour redresser les comptes de l'Etat.

Qui plus est, l'émission de titres longs et l'exploitation d'un portefeuille d'actifs au périmètre étendu permettront de drainer des ressources égales ou supérieures à celles qu'une privatisation aurait pu libérer. Surtout, le maintien de ces actifs dans le giron de l'Etat épargnera au gouvernement un handicap social très difficile à surmonter.

Depuis la victoire de Platées sur l'envahisseur perse jusqu'à la guerre d'indépendance remportée sur l'occupation ottomane, l'Histoire grecque est jalonnée d'épisodes glorieux survenus dans la tourmente. Financier plus que politique, le combat que livre Athènes aujourd'hui n'en est pas moins décisif.

La Grèce peut compter sur le soutien sans faille de l'Union européenne et de la communauté internationale. Mais faute d'un plan de sauvetage innovant et crédible engagé dans les prochaines semaines, nul autre "miracle grec" n'est à espérer.

Références :
- Claude Bébéar, président de l'Institut Montaigne.
- Frédéric Bonnevay, macro-économiste, expert associé à l'Institut Montaigne.

Crise financière : les propositions de l'Institut Montaigne :
- Pour un Eurobond - Une stratégie coordonnée pour sortir de la crise
- Entre G2 et G20, l'Europe face à la crise financière
- Reconstruire la finance pour relancer l’économie

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