Le temps est galant homme, dit-on parfois. La formule ne s'applique définitivement pas au rapport que la France entretient avec la période de Vichy.
Les écrits de l'historien américain Robert Paxton sur "La France de Vichy" avaient, dès 1972, ouvert la voie à une série d'ouvrages qui auraient dû établir sans la moindre ambiguïté, le rôle inexcusable joué par le régime de Vichy dans la persécution et la déportation des Juifs de France. Mais les propos provocateurs d'Eric Zemmour en faveur du régime de Pétain n'ont pour objet que de "dédouaner" le polémiste juif aux yeux d'une partie de son électorat potentiel. C'est son obsession de l'Islam qui constitue son corps de doctrine et son étendard. Il s'appuie pour cela sur la thèse du "grand remplacement".
Sentiment d'humiliation
S'il existe un "grand remplacement", ce qui est loin d'être sûr, ce n'est pas celui dont parle Zemmour. Le seul "remplacement" auquel nous sommes confrontés aujourd'hui n'est pas le produit de la "soumission" de la France, face à la montée de l'Islamisme. C'est le produit du déclin relatif de l'Occident face à l'Asie, et en particulier de la Chine. Il existe, comme c'est trop souvent le cas, une sorte de décalage entre la peur instinctive et la crainte réfléchie.
En France, le parti de la raison finira par l'emporter sur celui de la colère et de l'outrance : à moins de circonstances exceptionnelles - comme un scandale majeur venu de nulle part - le Président en place devrait se succéder à lui-même, ce qui constitue en soi un petit exploit dans l'histoire récente de la Cinquième République.
Reste que le spectacle que la France donne d'elle-même au monde est troublant. Il faut que le pays soit bien "malade", bien confus en tout cas, pour qu'un message de peur et de haine, porté par un messager à ce point "improbable", guidé par un sentiment d'humiliation et une volonté de revanche personnelle, réunisse plus de 15 % des intentions de vote des Français.
Face à l'union de la manipulation et du cynisme portée par un provocateur habile, il n'existe qu'une réponse : celle de la modération passionnée et du bon sens éthique. Cela suppose de la fermeté et de la clarté. Ce n'est pas l'Islamisme qui constitue la principale menace pour la France, mais une évolution à "l'américaine" vers une polarisation extrême de notre société.
Avec l'aimable autorisation des Echos (publié le 05/11/2021).
Copyright : Ludovic MARIN / AFP
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