Il est difficile d’incriminer les autorités pour avoir tardé à déclencher les mesures d’isolement et en même temps de contester l’utilité de ces mesures. Bien sûr, les trous dans la raquette apparaissent. Mais quel autre système de santé et de défense civile aurait fait mieux, à l’échelle de la crise ? La lutte officielle contre l’épidémie a un allié important : la population, qui, dans les villes semble littéralement anticiper par précaution les mesures de confinement, et dans les campagnes retrouve des réflexes ancestraux de blocus local. Y voir la seule marque d’un pouvoir totalitaire est une erreur. C’est si vrai que depuis le 2 février, Xi Jinping lui-même change de tonalité et met en garde contre les réactions "excessives", et contre les risques pour l’économie chinoise. A-t-il ou non des informations fiables sur un éventuel pic de l’épidémie – et sur une dangerosité en baisse – ou bien lutte-t-il simplement sur deux fronts ? L’intégration internationale de l’économie chinoise – elle aussi bien plus importante qu’en 2003 – rend plus grave une interruption temporaire des échanges humains et de flux commerciaux. C’est pourquoi la diplomatie chinoise s’emploie par exemple à obtenir la reprise des vols internationaux, tandis que les grandes entreprises digitales persistent à venir à la conférence internationale de Barcelone, provoquant l’exode de leurs homologues étrangers de cette réunion.
L’autoritarisme résilient mais non triomphant
En l’absence de certitudes sur la direction et la durée de l’épidémie, tentons une conclusion provisoire : les effets néfastes d’un système autoritaire sont concentrés sur sa première phase. Même ainsi, il n’est pas sûr qu’entre début décembre et le 5 janvier – date du séquençage du génome – d’autres autorités auraient su prendre les mesures radicales de prévention qui sont rétrospectivement jugées nécessaires. La phase cruciale fut celle entre le 5 et le 20 janvier, quand des informations plus précises sont remontées. Ces 15 jours sont aussi ceux du déclenchement de la grande migration du Nouvel An, et le retard a donc eu des conséquences immenses. À partir du 23 janvier, les capacités de mobilisation du système apparaissent par contre au premier plan, y compris la limitation des déplacements et la reconversion d’usines vers la fabrication de masques et autres équipements. Si l’épidémie est enrayée, cela apparaîtra comme une mobilisation réussie.
Dans un second temps, des comptes seront soldés. Nul doute, les cadres locaux sont tout désignés. Il se peut qu’un mouvement social demande aussi un bilan réel des victimes de l’épidémie, comme c’est déjà le cas pour les médecins. à l’échelle nationale, plutôt qu’une offensive en règle contre Xi Jinping, ce sont peut-être les manifestations massives et ouvertes par les internautes chinois de leur scepticisme ou de leur colère qui peuvent laisser des traces. Mais des protestations virtuelles ne font pas un mouvement physique ou une organisation structurée. Le triomphalisme de l’ère Xi Jinping est ébranlé, le monopole du pouvoir reste intact.
Copyright : Philip FONG / AFP
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