Les analogies historiques ont toujours leurs limites. Osons cependant un parallèle entre la réunification allemande - un développement heureux - et la guerre en Ukraine, cet événement désastreux. Par la volonté de François Mitterrand et Helmut Kohl, la réunification allemande s’est faite dans le cadre d’un renforcement de l’intégration européenne ; le traité 2+4 sur le règlement de la question allemande a été suivi du traité de Maastricht qui entre autres ouvrait la voie à la zone euro. L’objectif des Européens dans la situation actuelle devrait être que l’accession à terme de l’Ukraine à l’Union européenne - et sans doute d’autres États comme la Moldavie - entraîne une adaptation des structures de l’Union à un nouvel État, beaucoup plus rude, du monde. C’est sans doute ce que le président de la République avait en tête dans son discours du 9 mai à Strasbourg quand il parlait de la nécessité de revoir les traités, de repenser "notre géographie et l’organisation de notre continent", avançant à ce sujet l’idée de communauté politique européenne. Sans perdre de vue d’autres impératifs comme une nécessaire "indépendance stratégique" qui appelle entre autres un plus grand effort de défense.
Pour faire avancer de tels desseins, Emmanuel Macron a besoin de convaincre les autres Européens. Par son voyage à Kyiv, et ses déclarations de soutien à une "victoire" de l’Ukraine, il s’est donné les moyens de rectifier une approche qui, en isolant Paris, conduisait à miner sa position en Europe. N’est-ce pas un peu tard ? En laissant planer trop longtemps le doute, le Président ne s’est-il pas privé d’une partie de ses leviers ? En maintenant dans sa conférence à Kyiv sa formule sur la nécessité de ne pas humilier la Russie "non pas maintenant, mais à la fin de cette guerre", a-t-il complètement levé tout soupçon d’ambiguïté vis-à-vis de Moscou ?
Au total, la visite à Kyiv du président de la République en compagnie de ses trois homologues allemand, italien et roumain a certes marqué un tournant, peut-être un tournant historique, mais, notamment pour la France, un tournant à confirmer dans les semaines et les mois à venir.
Copyright : Sergei SUPINSKY / AFP
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