La leçon "européenne" de 1918 est que l’on peut se conduire comme Clémenceau pour gagner la guerre, mais pas pour gagner la paix et que le nationalisme dans ses excès conduit de manière directe ou indirecte à la guerre.
Le danger de l'aveuglement
La deuxième mise en garde - contenue non par l’armistice même, mais par la période qui le suivit - est que l’absence de règles et de principes acceptées par tous - ou pire encore l’existence d’institutions au dysfonctionnement structurel - conduit à la catastrophe. Le rejet du multilatéralisme par l’Amérique post wilsonienne, la montée des populismes en Europe combinèrent leurs effets négatifs. La période contemporaine évoque dangereusement sur ce plan les années vingt comme les années trente du siècle dernier. "Ceux qui ignorent l’Histoire se condamnent à la répéter" disait dans un de ses plus fameux aphorismes, l’essayiste américain d’origine espagnole Georges Santayana.
La troisième mise en garde est de nature plus philosophique. Les générations qui n’ont pas connu la guerre ont tendance plus que d’autres à sombrer dans l’aveuglement et à reproduire, de manière presque mécanique, l’enchainement des causes qui conduisent comme par fatalité à cette dernière. Le contraste entre la légitime volonté mémorielle du président de la République et les commentaires de trop nombreux médias est troublant. Alors que le premier évoquait "la mémoire des poilus", les seconds encourageant ainsi une "défaite de la pensée", mettaient en avant le mécontentement des Français devant la montée du prix des carburants ou plus globalement la baisse du pouvoir d’achat. Il ne s’agit pas bien sûr de mépriser ces considérations importantes. Mais comment élever le débat, faire preuve d’une pédagogie exigeante et ambitieuse, si les médias, comme pour flatter leurs audiences ramènent constamment les enjeux vers le bas et se refusent plus globalement à traiter l’Histoire avec le sérieux qu’elle mérite.
Les leçons de 1918 sont nombreuses et sonnent comme une ultime mise en garde, face aux Orban, Salvini et Trump de 2018.
Avec l'aimable autorisation des Echos (publié le 11/11/18).
Crédit photo : Jan Dąbrowski
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