Nationalisme religieux
Dans le cas turc, tout se passe comme si le retour de rêves d'empire et la montée d'un nationalisme religieux allaient de pair. Le point culminant de la gloire de l'Empire ottoman avait été la chute de Constantinople en 1453. Après dix siècles comme église (sa construction fut achevée en 537 sous le règne de Justinien), Sainte-Sophie, où étaient couronnés les empereurs byzantins (et l'impératrice Théodora), devenait une mosquée. Dans sa quête de modernité et de sécularisme, la Turquie d'Atatürk avait franchi un pas qui n'apparaît plus aussi naturel aujourd'hui, à l'heure des nationalismes religieux et des quêtes identitaires, de Modi à Erdogan.
Certains ne manqueront pas d'interpréter le geste du président turc comme un révélateur - si cela était encore nécessaire - de la nature profonde du caractère conquérant de l'islam. Le "petit dernier des monothéismes" dans sa quête de légitimité en veut "toujours plus", surtout après des siècles d'humiliation géopolitique et de rétrécissement géographique. Pas de renaissance sans affirmation de soi et pas d'affirmation sans réappropriation au sens littéral du terme. "Plus je vous choque, plus j'ai la confirmation, que je vais dans la bonne direction", semble dire Erdogan, comme l'avait fait Poutine avant lui.
Le président turc est certes motivé aussi, sinon avant tout, par des calculs de politique intérieure. Son pays traverse une phase économique et sociale particulièrement difficile, aggravée par l'épidémie de Covid-19. Erdogan n'entend-il pas regagner ses partisans, tout particulièrement à Istanbul, une ville qui l'a fait politiquement et qui pourrait le "défaire", à en juger par les dernières élections municipales ?
Une chose est sûre. La reconversion de Sainte-Sophie en mosquée n'est pas une victoire de la Turquie. C'est une défaite de l'universalisme.
Copyright : Ozan KOSE / AFP
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