À l’exception de la Chine, qui la considère comme un moyen de sécuriser les "routes de la soie", les acteurs régionaux sont peu favorables au maintien d’un dispositif militaire turc en Afghanistan. Moscou, qui a récemment noué des contacts étroits avec les Talibans, voit d'un mauvais œil le contrôle de l’'aéroport de Kaboul par un État membre de l’OTAN. "Ce plan turco-otanien est aventuriste", tranche la revue Medjunarodnaïa jizn car, "dans la situation actuelle de l'Afghanistan, les militaires turcs seront inévitablement entrainés dans un conflit armé et otages d'une nouvelle tentative d'Ankara pour trouver le chemin vers le cœur du Président américain". Mécontente de la déclaration adoptée à l’issue de la conférence de Berlin qui appelle au retrait des forces étrangères de Libye, les autorités turques pourraient être tentées de conditionner leur participation à la protection de l’aéroport de Kaboul au maintien de leurs troupes en Libye, avance la Nezavissimaïa Gazeta.
En Syrie, la Turquie reste dépendante des décisions de la Russie et des États-Unis
La Syrie offre l’exemple d’un conflit situé "dans la zone d'intérêts vitaux de la Turquie et dans son voisinage immédiat", note aussi Piotr Akopov, mais Erdogan doit prendre en compte les intérêts des grands acteurs que sont les États-Unis et la Russie. À Bruxelles, Biden a opposé une fin de non-recevoir à la demande de son homologue turc de rompre les relations avec les Kurdes syriens (PYD), rapporte Amberin Zaman et, à Genève, le Président des États-Unis n'a pu obtenir de Poutine de promesse sur la poursuite de l'acheminement de l'aide humanitaire transfrontalière, en dépit de toute l'importance que lui accorde l'administration américaine. La Turquie détient une position clé dans les négociations qui vont avoir lieu au conseil de sécurité des Nations unies sur la reconduction de la résolution 2533, qui vient à échéance le 10 juillet 2021, et qui a déjà réduit, à la demande russe, à un seul poste frontalier, au lieu de quatre auparavant, le passage des convois humanitaires destinés aux déplacés syriens, souligne Fehim Tastekin.
Selon le chroniqueur du site Al-Monitor, Ankara pourrait jouer un rôle de médiateur entre Moscou et Washington, afin d'éviter une catastrophe humanitaire. Un mois avant cette date-butoir, le régime de Damas, qui entend, avec le soutien russe, contrôler la distribution de cette aide, a lancé une attaque meurtrière contre l’enclave d'Idlib. Moscou conditionne le maintien de l'accès au poste de Bab al Hawa, explique Fehim Tastekin, notamment à une attitude plus ferme des forces turques, présentes à Idlib, vis-à-vis des groupes islamistes, notamment de l'organisation Hayat Tahrir al-Sham. La fermeture du dernier poste frontalier aux convois humanitaires pourrait entraîner une nouvelle flambée de violence, fournir un prétexte à Damas pour lancer un assaut contre Idlib et provoquer de nouveaux déplacements de populations, s'inquiète la FAZ. La Turquie refuse pour sa part la réouverture du point de passage de al-Yarubiah, pour éviter que l’aide internationale ne bénéficie aux Kurdes de la région, elle pourrait, estime le quotidien, accélérer la réinstallation des réfugiés et des déplacés arabes syriens dans les zones frontalières (Afrin, Tal Abyad, Ras al-Ain), auparavant majoritairement kurdes, qu’elle administre.
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