Ce qui pèche le plus ce sont les réticences à prendre en compte le marché européen dans sa globalité et dans ses affrontements avec la concurrence mondiale (dans près de 40 % des cas, la Commission se limite à l'appréciation d'un ou plusieurs marchés nationaux). Sans oublier l'absence de véritable analyse prospective, non à l'échéance de deux ou trois années, mais bien au-delà, en essayant d'évaluer les forces respectives des acteurs à moyen terme.
L'interdiction des aides publiques aux entreprises est une véritable spécificité européenne, sans équivalent chez ses grands concurrents mondiaux. Autant dire que l'Europe a décidé, d'elle-même, de se créer un handicap de départ en interdisant toute intervention publique au soutien des entreprises, lorsqu'elle est susceptible de créer une distorsion dans les échanges intra-européens. Une telle restriction était parfaitement justifiée lors de la création du marché commun : laisser les autorités nationales, par leurs interventions, avantager leurs propres entreprises aurait conduit à recloisonner les marchés. Aujourd'hui, alors que le marché unique n'est plus guère contesté et que l'économie européenne est frappée d'atonie, ce qui pénalise tout particulièrement notre industrie face à la concurrence mondiale, on peut réellement se demander s'il ne serait pas temps de revisiter de fond en comble l'application de ces règles.
La première priorité serait de limiter strictement l'intervention de la Commission européenne aux situations où les échanges entre pays membres sont réellement affectés, de façon significative. Que la Commission cesse de contrôler les aides aux producteurs d'huîtres creuses, aux pêcheurs professionnels d'anguilles en eau douce, voire à la mise à disposition, de terrains ou de bâtiments bénéficiant aux PME. Au lieu de s'ériger en juge de paix de l'octroi de fonds publics, la Commission devrait s'en tenir à son rôle, limité aux cas où l'unité du marché européen risque réellement d'être mise en danger, c'est-à-dire ceux où les mécanismes d'aides peuvent effectivement influer sur la localisation d'entreprises importantes. Le critère déterminant ne doit pas être "y a-t-il distorsion ?" (on trouvera toujours un concurrent pour s'en plaindre), mais "le marché unique est-il réellement en danger ?". Même dans les situations où le marché européen serait susceptible d'être sensiblement affecté, une mise en balance objective des intérêts en présence devrait être opérée : avantager temporairement une entreprise en difficulté peut être préférable à sa disparition, si ses perspectives de redressement sont sérieuses ; apporter son soutien, à un secteur confronté à la concurrence mondiale peut relever d'un intérêt européen commun, de même que soutenir les efforts d'innovation et de développement technologique même si tous nos Etats ne sont pas disposés à y consacrer les mêmes moyens. Il est temps de réintroduire un peu de politique économique dans le dispositif.
Il me semble que cet article omet un point essentiel : toutes les interdictions formulées par la commission européenne servent les intérêts de firmes américaines. Vu la densité de lobbyistes à Bruxelles, il ne serait pas surprenant que ces décisions, et le cadre juridique qui les inspire, soient inspirées par des lobbys financés par des intérêts américains. Si c'est le cas, comme je le crois, les européens sont bien naïfs.
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