Qui paiera ? Quatre possibilités, en théorie du moins
Concernant le financement des déficits, le prix Nobel d’économie Jean Tirole a bien résumé les quatre options disponibles, dans un article publié le 1er avril par Les Echos :
- la répudation de la dette publique, les payeurs étant les créanciers ;
- l’augmentation des impôts, à régler par les contribuables, soit directement soit en laissant l’inflation faire le travail plus insidieusement ;
- la planche à billets, la Banque centrale s’engageant à acheter la dette des états sur le marché secondaire ;
- une forme d’emprunt mutualisé entre les États, pour laquelle plusieurs possibilités sont envisageables.
Ni le défaut ni l’augmentation des impôts ne sont acceptables
La première option doit être fermement rejetée car elle ne ferait qu’envenimer la situation. À court terme, une répudiation de dette mettrait les systèmes bancaires de la zone euro au bord de la faillite, et, même à très long terme, elle entraînerait une stigmatisation de l’État ayant fait défaut.
L’option 2 impliquerait une austérité budgétaire particulièrement mal venue si elle se produisait durant la récession, et doit donc être également rejetée. Des économistes comme Camille Landais, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman ont récemment proposé de lever un impôt ultra progressif, visant le centile le plus élevé dans la distribution des revenus, à l’échelle de l’Union européenne. Sans vouloir discuter des mérites d’une telle taxation pour réduire les inégalités, il faut admettre qu’elle relève plus du programme politique que de la recherche d’une solution concrète. Jusqu’à présent du moins, les politiques fiscales concernant les revenus sont du strict ressort des parlements nationaux, conformément au principe "pas de taxation sans représentation". La décision d’imposer les plus hauts revenus doit revenir aux peuples eux-mêmes lors des élections, et ne doit pas être introduite comme une solution technique pour alléger le fardeau de l’épidémie.
Le financement monétaire est garanti … mais pas pour toujours
Le concours de la banque centrale au financement des déficits est déjà acquis, à travers le programme d’urgence de la BCE, "PEEP" (Pandemic emergency purchase programme) d’au moins 750 Mds d’euros. La BCE a levé les restrictions des précédents programmes d’achat, comme la limite à 33 % de détention d’une ligne d’obligations donnée, de façon à opérer avec la plus grande flexibilité. En y ajoutant les programmes en cours, la BCE dispose d’une puissance de tir de 1 100 milliards d’euros. D’après nos estimations, le déficit budgétaire des pays de la zone euro pourrait augmenter d’un montant de cet ordre de grandeur. Pratiquement, la BCE a les moyens d’acheter les titres de dette des pays membres de façon à ce que les taux d’intérêt à long terme restent assez bas pour que les économies ne soient pas mises à mal, pour un certain temps. Mais combien de temps ?
Notons que la BCE et la Banque du Japon (BdJ), qui détient 50 % de l’encours de la dette publique japonaise, sont des institutions très différentes. Alors que la BdJ (ou la Réserve fédérale américaine) sont partie intégrante des administrations publiques japonaises (ou américaines), la BCE est détenue conjointement par les États membres, ce qui introduit des limites, floues il est vrai, à ses actions.
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