Les plateformes numériques et les États ont entretenu une relation conflictuelle par le passé, du fait d’objectifs divergents. Aujourd’hui, du fait d’un contexte particulier, ils semblent alignés sur le résultat à atteindre : contenir la pandémie et ses conséquences. S'ils coopèrent, les États prennent conscience du fait que leurs actions sont limitées sans la participation des plateformes et des technologies qui leur sont habituellement attribuées. Quelles leçons en tirer ?
On le lit souvent, l’émergence des plateformes numériques a altéré la souveraineté des États. Les acteurs du numérique, avec des offres de service allant de la livraison à domicile jusqu’à la mise à disposition de contenus en passant par le logement, créent les règles du cadre de vie des citoyens de nombreux pays. Pendant longtemps, ces règles étaient énoncées par les États uniquement. Mais, ces quinze dernières années, les plateformes ont pu inscrire leurs propres "lois" dans des conditions générales d’utilisation traduites en code informatique. Inévitablement, cela a généré des débats animés et pousse les États à réaffirmer leur souveraineté.
Récemment, les États ont tapé du poing sur la table au travers de nombreux textes légaux, comme la loi contre les contenus haineux sur Internet, la loi d’orientation des mobilités, la future loi audiovisuelle, etc. Cette relation est néanmoins conflictuelle, comme le démontrent les débats animés autour de chacun de ces textes. Pourtant, à l’heure du Covid-19, nous voyons qu’il est possible pour les plateformes numériques et les États de coopérer de façon souple et rapide, dans une poursuite du bien commun.
Dans cet article, nous prendrons deux exemples : le bon fonctionnement des réseaux et la désinformation. Dans les deux cas, une relation se dessine, dans laquelle les plateformes prêtent main-forte aux États, qui réalisent la limite de leur capacité d’action.
Coopérer pour assurer le bon fonctionnement des réseaux
La Commission européenne, en la personne de Thierry Breton, a échangé le 18 mars avec les dirigeants de Netflix et de YouTube afin de trouver un accord pour limiter la saturation des réseaux. Pour rappel, un pic de consommation avait été observé le 10 mars à Francfort. En conséquence, les plateformes de streaming se sont engagées à mettre par défaut une qualité vidéo plus basse - à noter que les utilisateurs peuvent décider de la réhausser s’ils le souhaitent.
En France, un jour après les rendez-vous entre Thierry Breton et les plateformes, le cabinet du secrétaire d’État au numérique, en lien avec l’ARCEP, partageait un communiqué de presse annonçant la mobilisation du gouvernement pour limiter la consommation sur les réseaux, en partenariat avec les plateformes. On y lisait les actions du gouvernement, parmi lesquelles une coopération avec les opérateurs mobiles pour assurer le fonctionnement des réseaux, un appel à un usage responsable de la bande passante par les utilisateurs, et "un appel aux fournisseurs de contenus fortement consommateurs de bande passante (VoD, streaming, jeux en ligne…) à prendre dans les heures et les jours qui viennent les mesures techniques appropriées pour limiter la consommation de leurs services".
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