La sollicitude de nombreuses organisations internationales pour la Chine peut s’expliquer par d’autres facteurs, parmi lesquels, tout simplement, son poids géopolitique et surtout sa capacité à dire non, et dans certains cas à former des coalitions de vote ; dans le système onusien, l'importance de sa contribution budgétaire obligatoire (qui atteindra bientôt 10 % de cette catégorie), et le contrôle que la Chine exerce grâce à une participation plus active au sein des commissions budgétaires (la "Cinquième Commission" de l’ONU). Et il y a aussi l'espoir obstiné que Pékin contribuera davantage à l'avenir et fera preuve d’une souplesse accrue. En bref, alors que les États-Unis parlent haut mais brandissent un petit bâton, c’est bien la Chine qui "parle doucement et brandit un grand bâton" dans le système des Nations Unies.
Ceci amène une question : lorsque des épidémies majeures, comme c’est le cas pour le SRAS, la grippe aviaire et le coronavirus, ont la Chine pour berceau, quelle est la fiabilité réelle de l'OMS ? Dans le cas présent, l'OMS se comporte en organisation intergouvernementale stricto sensu, ne questionne pas les sources officielles sur lesquelles elle s’appuie. Elle échoue alors dans sa mission d'information. Pire, un certain nombre de gouvernements et d’organisations soit croient à ces affirmations et à leur bien-fondé, soit choisissent de s’appuyer sur cette réticence pour repousser l’adoption de mesures difficiles. La nature des délibérations du Comité d'urgence de l'OMS, qui s'est réuni pour la première fois le 23 janvier - soit trois jours après la volte-face de la Chine dans son appréciation de l’épidémie - ne nous est pas connue. Mais il semble impossible que ses membres, issus rappelons-le de la communauté scientifique, n'aient pas constaté pour leur propre compte une divergence déclarative - même s’il n'était pas diplomatiquement opportun d’incriminer la Chine. Dans la même ligne, l'OMS a alors déconseillé des restrictions générales en matière de voyages ou de commerce qui à l’époque concernaient surtout la Chine. Rien n’a été dit sur le retard pris entre le 31 décembre et le 23 janvier, en particulier en ce qui concernait les voyages du Nouvel An chinois dans le pays et à l'étranger.
Depuis le 23 janvier, l'OMS - et son directeur général - ont assuré une grande partie de ce qui constitue leur fonction essentielle : à plusieurs reprises, ils ont appelé à faire évoluer les politiques gouvernementales, évoquant "un risque élevé" menaçant le monde entier. Le directeur général a salué les mesures de confinement chinoises, les qualifiant de "fenêtre d'opportunité" offerte au monde : et il est clair que, cette fois-ci, il a raison. Le 23 janvier, l'OMS a recommandé un "dépistage à la sortie dans les aéroports". Le 4 février, elle a ensuite plaidé pour le partage des informations avec les gouvernements puis souligné, le 7 février, une "grave pénurie mondiale pour les équipements de protection individuelle (EPI)". Le 12 février, des lignes directrices en matière de planification opérationnelle ont été publiées à destination des États. L'OMS a averti le 20 février que la fenêtre d'opportunité "pourrait se fermer", et a reconnu le "potentiel pandémique" du virus le 24 février. Elle a énuméré, le 27 février, les "questions essentielles" que "tout ministre de la Santé" devait se poser. La publication du rapport de sa mission en Chine a donné lieu à des recommandations essentiellement issues de l'approche gouvernementale et sociétale globale prise par la Chine : cette perspective est bonne au vu des progrès évidents réalisés par un pays après ses fautes initiales ! Le 5 mars, l’OMS a commencé à recommander la voie des dépistages à grande échelle, résumée plus tard par un slogan de son Directeur Général : "test, test, test !". L'Organisation a salué et relayé les politiques adoptées par la Corée du Sud - mais continue à éviter toute mention de Taiwan. L'OMS coopère désormais avec la Fondation Jack Ma afin de distribuer les masques fabriqués en Chine, où la production aurait atteint 115 millions de masques par jour, l’objectif étant d’être en capacité d'atteindre rapidement le chiffre de 200 millions.
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