Pour les pays de l'Union européenne qui ont du mal à définir une politique commune à l'égard de Moscou, il est temps de revenir à des fondamentaux. La Russie peut souhaiter contrôler le pouvoir ukrainien pour ne pas avoir à ses frontières, dans un pays qu'elle considère en réalité historiquement illégitime, un adversaire appartenant à l'Union européenne ou bien, pis encore, à l'Otan. Kiev n'était-elle pas la première capitale de la Russie, le berceau de la civilisation russe ?
Mais cette "finlandisation" de l'Ukraine, prélude à un rapprochement plus étroit encore entre les deux pays, est-elle tout simplement acceptable pour l'Union et, au-delà, pour l'équilibre européen ? C'est bien là tout le dilemme. Même en contrôlant, puis en réannexant éventuellement l'Ukraine, la Russie ne parviendrait pas à équilibrer la Chine. Elle demeurerait le partenaire junior dans l'alliance qu'elle forme désormais avec Beijing. A l'inverse, la Russie deviendrait trop "grande" pour l'équilibre stratégique de l'Europe, comme le fut en son temps l'Allemagne. Et cela d'autant plus que les Etats-Unis ne jouent plus le rôle de balancier ou de protecteur qui était le leur depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Comment convaincre Moscou que cette formule vaut pour eux aussi ? L'élargissement de l'influence, sinon du territoire du pays à l'extérieur, de l'Est de l'Europe au Moyen-Orient, peut satisfaire la fierté nationale. Mais elle a un coût économique et politique qui contribue en réalité à affaiblir le pays et son régime plus qu'à le renforcer. Le divorce entre la puissance militaire et la puissance économique a déjà conduit hier à la désintégration de l'URSS.
L'Europe entre condamnation et résignation
Il est certain que l'escalade délibérée à laquelle se livre la Russie en mer d'Azov appelle une réponse claire de l'Union européenne et des Etats-Unis. L'heure de lever les sanctions à l'encontre de Moscou est moins que jamais venue, n'en déplaise à des pays comme l'Italie ou l'Autriche. L'Union européenne devrait à l'inverse se préparer à une aggravation des tensions à ses frontières. Et ce sans avoir à faire preuve du moindre "suivisme" à l'égard de Washington.
Après avoir annexé la Crimée il y a quatre ans, la Russie est en train de faire de même avec la mer d'Azov. Avec, sans doute, de la part de l'Union européenne, la même réaction, faite d'un mélange de condamnation et de résignation.
Avec l'aimable autorisation des Echos (publié le 30/11/18).
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