Avec la fin de la guerre froide, la paix n'étant plus impossible, la guerre redevint moins improbable. Dans les années 1990, l'échec de l'Occident à prévenir le génocide au Rwanda ou les massacres dans les Balkans, renforça l'instinct interventionniste de tous ceux qui, par un mélange de compassion et d'empathie, de romantisme postcolonial, sinon d'ambitions nationales pures, abritaient leurs émotions complexes derrière le concept de "devoir d'ingérence".
Statut des femmes
Un devoir qui paraissait plus évident encore au lendemain du 11 Septembre 2001. Protéger les peuples du despotisme et de la barbarie, c'était se protéger soi-même. Avec la démocratie, on portait la paix. Cet enthousiasme interventionniste négligeait une leçon essentielle : on ne sauve pas les peuples sans eux et souvent en dépit d'eux. Et en leur fournissant la démonstration - par les dommages collatéraux qu'on leur inflige pour les sauver - que leurs vies comptent moins que celles de leurs libérateurs.
En 2021, avec l'échec patent des Occidentaux en Afghanistan et - ne nous voilons pas la face - celui des Français au Sahel, c'est un troisième chapitre dans l'histoire des interventions qui s'ouvre devant nous. Il contient des réminiscences de l'après-guerre du Vietnam, mais aussi des éléments de radicale nouveauté, avec l'arrivée de la Chine, comme acteur clé.
L'échec de l'Amérique est d'autant plus tragique que l'Afghanistan a connu des progrès indéniables au cours des vingt dernières années : en particulier en matière d'éducation et de statut des femmes. Mais voilà, les priorités de l'Amérique ont changé. Et ce sont les femmes afghanes qui seront les victimes principales de la volonté américaine de mettre fin à une aventure malheureuse.
Au-delà des femmes, il y a les interprètes de la coalition et leurs familles. Plus de 120.000 personnes en tout. Les abandonner, c'est les condamner à une mort certaine. Il est de notre responsabilité morale de leur fournir asile et aide. Un départ sans gloire n'a pas à être, de manière inéluctable, un départ honteux.
Avec l'aimable autorisation des Échos (publié le 04/07/2021)
Copyright : JOHN MOORE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
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