Il n'existait qu'une simple contradiction entre la poursuite de "nos ambitions iraniennes" et la volonté d'établir un dialogue bilatéral privilégié avec Donald Trump. Dans le cas de notre "politique russe", le pari de l'ouverture est encore plus problématique. Peut-on demander à Varsovie, et même à Berlin, d'en faire plus en matière de défense européenne, et prôner en même temps un dialogue approfondi avec Moscou, quelle que puisse être la politique menée par la Russie ? Vouloir, en dépit du Brexit, maintenir avec la Grande-Bretagne une relation bilatérale privilégiée en matière de sécurité et de défense, correspond aux souhaits affichés par Paris et Londres. Mais est-ce bien compatible avec une politique qui peut apparaître, vue de Londres, comme pro-russe, alors que les émotions négatives seront exacerbées des deux côtés de la Manche par l'inévitable montée des tensions commerciales ?
Le talon d'Achille de la "doctrine Macron"
"Pour construire l'Europe de demain, nos normes ne peuvent être sous contrôle américain, nos ports et aéroports sous capitaux chinois, et nos réseaux numériques sous pression russe", disait fort justement Emmanuel Macron dans son récent discours à l'École de guerre. Le domaine stratégique s'est, de fait, notablement élargi, mais ces trois défis sont-ils de même nature ? Pour l'Europe, la Russie n'est-elle pas tout à la fois, plus proche géographiquement, plus agressive dans son comportement quotidien à notre égard, et en même temps plus faible et vulnérable que ne peuvent l'être les États-Unis et la Chine ?
Il convient de replacer la politique de Paris vis-à-vis de Moscou dans le contexte global de ce que certains commencent à appeler la "doctrine Macron". Cette dimension "russe" pourrait-elle être le talon d'Achille de cette doctrine, sinon constituer même un obstacle à l'ambition légitime de faire de l'Europe un acteur souverain en matière de défense et de sécurité ?
Le point de départ de la réflexion du président de la République en matière de politique étrangère tient en un constat. À l'heure du repli sinon du déclin relatif de l'Amérique et de la montée en puissance de la Chine, de la Russie ou de la Turquie, l'Occident n'est plus l'Occident. Le repli américain des affaires européennes, sinon mondiales - l'exemple du Moyen-Orient en est l'illustration la plus criante - s'inscrit dans le temps long de l'histoire. Et Donald Trump, sur ce plan, n'a fait qu'approfondir le sillon creusé par son prédécesseur, Barack Obama.
Une confusion des sentiments
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