Concernant les tests et le traçage, le Royaume-Uni avait entamé la bataille en avance par rapport à d’autres pays, avec un système permettant à Public Health England de tracer les contacts des premières victimes du virus et ainsi tenter de le contenir, soit le premier axe de la stratégie du gouvernement. Au cours du mois de février et du début du mois de mars, près de 4 000 personnes à risque d'infection ont été alertées sur la base d'environ 590 cas positifs.
Malgré l’utilité du dispositif, la capacité de tests, restreinte à huit laboratoires Public Health England, n’a pas été augmentée et a rapidement été dépassée. Face à cela, le 12 mars, le gouvernement a modifié son approche aux tests avec la décision d’abandonner une stratégie de traçage de l’ensemble de patients symptomatiques et de restreindre l’utilisation de tests aux hôpitaux.
Ce changement d’approche marque la transition vers le deuxième axe de la stratégie du gouvernement : retarder la propagation du virus au sein de la population en écrasant la fameuse courbe, sans toutefois tenter de l’arrêter.
Ce n’est que le 2 avril, alors que la capacité de tests est de 10 000 par jour, que le gouvernement révise son approche afin de replacer les tests au cœur de sa stratégie. Le plan proposé a pour objectif d’élargir le nombre de centres de tests au-delà des huit laboratoires PHE au secteur privé et aux universités, de rajouter des tests sérologiques aux côtés des tests existants et d’assurer une capacité de 100 000 tests par jour avant le mois de mai. Le Royaume-Uni passe ainsi de 2.4 tests par 1 000 habitants le 2 avril à 44.4 le 2 juin, contre 47.2 en Allemagne au 24 mai (dernières données disponibles). Fin mai la capacité de tests par jour dépassait les 160 000.
Cette montée en puissance de la capacité de tests permet à la NHS de lancer, le 27 mai, un nouveau service de test et de traçage, permettant à toute personne symptomatique de se faire tester afin ensuite de prévenir les personnes qu’elle aurait fréquentées récemment. C’est à cette fin que le gouvernement développe une application de traçage bluetooth, dont le déploiement national est prévu dans le courant du mois de juin, et vise à recruter 18 000 personnes pour répliquer à grande échelle les efforts de l’équipe de 290 personnes en charge du traçage chez Public Health England.
Vers un déconfinement prudent et progressif
Dès le mois d’avril, après que les trois premières semaines de confinement aient été renouvelées, le gouvernement précise cinq critères qui devront être satisfaits avant qu’un déconfinement ne soit envisagé :
- S’assurer que la NHS dispose de capacités suffisantes en matière de soins intensifs et de traitement spécialisé
- Enregistrer une "baisse soutenue et constante" des taux de mortalité quotidiens
- Observer une baisse des taux d'infection à des "niveaux gérables", soit bien en dessous de 1
- Disposer d'un nombre suffisant de tests et d’EPP pour "répondre à la demande"
- Être certain que l'assouplissement des restrictions ne risquera pas de provoquer un deuxième pic d'infection qui dépasserait les capacités du système de santé
Lorsque le Premier ministre britannique esquisse son plan de déconfinement le 10 mai, le calendrier est présenté sur la base d’un système d'alerte allant de 1 à 5, défini par ces mêmes critères, en particulier celui du taux d’infection, et opéré par un nouveau Centre commun de biosécurité. Mi-mai, le pays bascule du niveau quatre au niveau trois et les personnes ne pouvant pas exercer leur métier depuis chez eux sont ainsi encouragés à retourner sur leur lieu de travail. À partir du 1er juin, les rassemblements sont tolérés jusqu’à six personnes, les déplacements sont autorisés partout dans le pays, certains commerces et certaines écoles ouvrent leurs portes. À compter du 15 juin, l’ensemble des commerces non-essentiels ainsi que la grande majorité des écoles pourront à nouveau accueillir leurs clients et leurs élèves. À condition que le taux d’infection et le nombre de cas recensés le permettent, le pays pourrait également bénéficier de l’ouverture de certains lieux publics et la reprise d’une partie de son secteur touristique à partir du 3 juillet au plus tôt.
Conclusion
Si le Royaume-Uni semblait être en bonne position pour faire face à une épidémie nationale lorsque le premier cas a été détecté fin janvier, le retard pris par le gouvernement au cours du mois de février et du début du mois de mars à assurer le matériel nécessaire, que ce soit en équipements, en ventilateurs ou en tests, ainsi qu’à mettre en place des mesures restrictives pour limiter la propagation du virus, ont laissé le pays en mauvais état pour maîtriser l’accélération du nombre de décès.
Après une première expérience difficile du "laissez-faire" qui place aujourd’hui le pays parmi les plus touchés par le virus, tous les indicateurs semblent désormais progresser dans la bonne direction et le pays se dirige prudemment mais promptement vers son déconfinement. Cependant, alors que le gouvernement rattrape son retard de préparation, c’est à présent la confiance des britanniques qui fait défaut. Maintenant un soutien sans faille au conseiller Dominic Cummings après qu’il ait violé les mesures de confinement, le gouvernement Johnson ajoute un risque de crise politique aux côtés des risques économiques, sanitaires et sociaux déjà présents.
Copyright: ISABEL INFANTES / AFP
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