La progression de l’épidémie
L’Italie fut le premier pays d’Europe touché par l’épidémie. Dès le 23 février, 100 cas de contamination ont été identifiés dans la péninsule : la propagation s’accélère ensuite à un rythme exponentiel. La barre symbolique des 1 000 cas est franchie le 29 février et, le 10 mars, l’Italie compte plus de 10 000 personnes infectées par le virus. La courbe des décès suit une pente tout aussi dramatique : entre le 29 février et le 15 mars, le nombre de décès liés au virus passe de 30 à 1 800 personnes. Mardi 28 avril 2020, l’Italie recense près de 200 000 cas de contamination et 27 000 décès, soit, à cette date, le plus grand nombre de morts de tous les pays d’Europe.
Comme dans les autres pays, ces chiffres officiels sont à prendre avec précaution dans la mesure où ils dépendent largement du nombre de tests pratiqués. Le 10 avril, le Commissaire extraordinaire du gouvernement italien pour le coronavirus, Domenico Arcuri, annonçait qu’un peu moins d’un million de tests avaient été pratiqués par l’Italie depuis le début de la pandémie et que 2,5 millions de tests seraient distribués dans la péninsule la semaine suivante. Selon les chiffres de l’OCDE, l’Italie réalisait, à la date du 26 avril, 29,7 tests pour 1000 personnes, soit plus que l’Allemagne (25,1), alors que le nombre de tests réalisés en France restait encore incertain. Le volontarisme de l’Italie en matière de dépistage s’explique par le succès de la stratégie adoptée par la Vénétie, une région du nord du pays ayant eu recours au dépistage massif pour freiner le rythme des contaminations.
Comme le révèle une étude de l’Instituto Cattaneo datée du 1er avril 2020, les effets de la crise sur la mortalité en Italie pourraient être bien plus élevés que ne semblent l’indiquer les chiffres du gouvernement. En comparant la mortalité de l’Italie sur la période allant du 21 février au 21 mars par rapport aux années précédentes, cette étude révèle une surmortalité de l’ordre de 8 740 personnes, alors que le nombre de personnes dont le décès est officiellement lié au virus s’élève sur cette période à 4 825. À l’heure où chaque État comptera ses pertes humaines, seule cette analyse comparative de la surmortalité permettra de tirer le véritable bilan humain de la crise.
Le Nord industriel particulièrement touché
L’analyse des chiffres des contaminations et des décès en Italie doit également tenir compte de très fortes disparités d’une région à l’autre. Avec 73 000 cas de contamination et 13 400 décès – soit près de la moitié des décès en Italie - la Lombardie est de loin la principale victime de cette crise. À titre de comparaison, l’Emilie-Romagne, deuxième région la plus touchée, ne compte "que" 25 000 cas de contamination et 3 400 décès et la Sicile 3 000 cas de contamination pour 230 décès.
Le départ vers les régions du Sud de nombreux italiens résidant dans le Nord à l’annonce de la mise en quarantaine de la "zone rouge" ne s’est pas traduit par une dissémination du virus, qui aurait pu avoir des conséquences dramatiques dans le Mezzogiorno. Conscient qu’ils venaient de régions contaminées et que la fragilité du système de soins des régions du Sud ne permettrait pas de faire face à une explosion de cas, ces personnes rentrées dans leur région d’origine ont adopté les gestes barrières indispensables à la maîtrise de l’épidémie - se conformant ainsi aux campagnes de communication appropriées développées par les régions du Sud.
La progression fulgurante du virus en Italie reste un sujet d’interrogation. Si, dans l’imaginaire populaire, le "match zéro" à Milan, qui oppose le 19 février l’équipe de football de Valence à celle de Bergame a joué le rôle de "bombe biologique", en accélérant la diffusion du virus, les experts s’accordent aujourd’hui à considérer que le virus circulait déjà en Lombardie depuis le mois de janvier. La densité de la population particulièrement forte dans les villes lombardes, l’intensité des contacts sociaux - plus élevée en Italie que dans les autres États européens – et l’ouverture européenne et internationale de ces régions ont largement contribué à accélérer cette diffusion.
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