La conséquence principale de cette nouvelle structure de marché est qu’à moins d’une rupture brutale et de grande ampleur de l’offre, causée par exemple par un conflit militaire avec l’Iran par exemple, les cours du pétrole devraient fluctuer dans une fourchette de 40 à 70$/bl, les producteurs du Golfe ayant perdu leur position oligopolistique. Bonne nouvelle pour l’économie mondiale, encore dépendante du pétrole, même si elle l’est bien moins qu’il y a 20 ou 30 ans, mais mauvaise nouvelle pour la rente des monarchies pétrolières.
A Riyad comme à Abu Dhabi, on a pris conscience depuis longtemps des changements structurels du marché, et commencé à mettre en œuvre des stratégies d’adaptation, dont il reste à voir si elles seront à la hauteur.
Le Qatar et le Koweït, riches et peu peuplés, sont peu concernés
Le cas du Qatar est particulier. Peu peuplé (2,8 millions d’habitants, dont seulement 11 % de nationaux), ce pays détient 13 % des réserves mondiales de gaz naturel, ressource dont le marché diffère de celui du pétrole en raison de ses coûts de transport, mais aussi de sa plus faible teneur en carbone, qui en fait un substitut au pétrole recherché. D’un strict point de vue économique, le Qatar n’a donc guère de soucis à se faire.
Le Koweït, plus peuplé et dont la richesse est essentiellement pétrolière, est néanmoins dans une situation proche de celle du Qatar, en raison de l’importance de ses réserves qui représentent plus de 90 ans de production au rythme actuel, au regard de sa population. Le Koweït a d’ailleurs enregistré un excédent budgétaire de 20 % du PIB, en moyenne, au cours des dix dernières années.
Il en va différemment pour l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.
Déjà, le bas niveau du prix du pétrole des années 90, après la première guerre du Golfe, avait mis à mal les finances publiques de l’Arabie saoudite, mais de façon limitée, l’écart entre recettes et dépenses publiques ayant culminé à 9 % du PIB en 1998, avant de se rééquilibrer, puis de passer en faveur des recettes jusqu’à un excédent de 29 % du PIB en 2009. La baisse du prix du pétrole en 2015 et 2016 fit à nouveau chuter les recettes publiques, alors même que le royaume devait dépenser plus pour tenter de répondre aux aspirations d’une jeunesse frustrée par l’absence de perspectives et la rigidité de la société. Ainsi, les dépenses publiques grimpèrent à 40 % du PIB en 2015-2016, tandis que les recettes tombaient à 23 % du PIB. Ce n’est qu’en vendant une partie des actifs accumulés par ses différents fonds souverains que le royaume put limiter l’appel au marché pour financer un déficit public de 16 % du PIB en moyenne sur ces deux années.
Par comparaison, la situation des Émirats est moins alarmante : grâce à un meilleur contrôle de la dépense publique, les déficits causés par la chute des recettes furent limités à 2,5 % du PIB en moyenne au cours des deux années noires.
Arabie saoudite : la dégradation des finances publiques est structurelle
Trois stratégies différentes : investissement massif, construction d’institutions, Singapour
Bien que multiformes et partiellement déterminées par les structures économiques, sociales et politiques de chaque état, les stratégies d’adaptation mises en œuvre se rangent en trois catégories : utiliser l’épargne accumulée pour créer une économie non pétrolière soutenable ; construire des institutions de gouvernance économique aussi indépendantes du pouvoir que possible ; attirer les talents et utiliser les flux de la rente pour développer une industrie financière et de services.
Arabie saoudite : prête à dépenser beaucoup, mais ça ne suffira pas
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