Ces courants radicaux, instrumentalisant largement les luttes d’émancipation des afro-descendants, n’ont eu aucune difficulté à entretenir une proximité intellectuelle et politique avec des personnalités ou mouvements de droite radicale, nationale ou d’extrême-droite. Ils partagent un même substrat de valeur et voient dans leur coordination une manière de s’épauler contre l’ordre démocratique et libéral. Ainsi, le fait qu’en 2019, Giorgia Meloni, actuelle présidente du Conseil italien et cheffe du parti Fratelli d’Italia à l’époque, se soit saisie du sujet du franc CFA pour dénoncer la supposée exploitation de l’Afrique de l’Ouest par la France, multipliant au passage les fausses informations et les approximations, est une illustration concrète de cette convergence. Ces éléments de langage avaient entre autres été soufflés aux partis anti-système italiens lors d'échanges avec l'ONG Urgences Panafricanistes de Kemi Seba.
La stratégie de ces activistes a tout à voir avec la France, cible de leurs obsessions, et peu à voir avec la situation des nations africaines. Malgré cette instrumentalisation des idées panafricaines, ils n’ont que peu de rapport avec le courant de pensée panafricain et les figures politiques qui le portaient, la relation entre la France, l’Europe et les nations africaines ayant objectivement changé en profondeur depuis cette période. L’argumentaire, souvent mensonger, ne tient pas l’examen de sa solidité.
La vague autoritaire déferle aussi en Afrique de l’Ouest, en miroir du recul démocratique
Depuis le 18 août 2020, date du coup d’État contre l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita au Mali, il y a eu quatre coups d’État militaires en Afrique de l’Ouest, sans compter la prise de pouvoir contesté au Tchad par Mahamat Idriss Deby, la tentative ratée de coup d’État contre le Président nigérien et la vague précédente (2012 au Mali, 2014 et 2015 au Burkina Faso). Ces coups s’expliquent pour plusieurs raisons propres aux situations nationales mais illustrent un nouveau mouvement autoritaire et populiste qui instrumentalise aussi le décolonialisme, le panafricanisme plus ou moins de façade, l’imaginaire révolutionnaire (figure de Thomas Sankara au Burkina Faso), la dénonciation de la France ou de la démocratie libérale…
Ces coups d’État masquent, par leur visibilité, le recul démocratique enregistré dans de nombreuses nations ouest-africaines. Les prétextes intérieurs ("islamisme", "situation économique", "dégradation sécuritaire", "tensions intercommunautaires"...) et les prétextes extérieurs ("rejet de la France", "soumission de la CEDEAO", "tensions régionales"...) sont rentables politiquement à très court terme dans le contexte d’effervescence populiste et d’incertitudes de la crise multisectorielle sahélienne qui spirale dans toute la région.
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