Les chocs d’offre peuvent durer, mais ils sont quand même de nature transitoire : les économies de marché sont plus plastiques qu’on ne l’imagine à regarder les chiffres au mois le mois. La pénurie de pétrole après les chocs de 1973 et 1979 et les prix élevés qui en ont résulté ont eu pour effet des investissements massifs dans la recherche de pétrole et de gaz, le développement de nouvelles techniques d’extraction, mais aussi en aval dans des technologies moins gourmandes en pétrole. Il est légitime de penser que l’envolée des prix d’aujourd’hui, tout particulièrement dans le secteur de l’énergie, aura des conséquences du même type. Mais on ne sait pas à quel horizon, et c’est là que se situe le risque d’entrer dans un régime d’inflation.
Le risque d’inflation durable est significatif en France
Les enchaînements qui pourraient nous conduire à un régime d’inflation durablement plus élevée passent par deux canaux.
D’abord, les anticipations : si par exemple salariés et patronat pensent que l’inflation est durable, les premiers demanderont des salaires plus élevés, que les seconds ne verront pas trop de risque à accorder. Les banques centrales sont là pour empêcher un tel dérapage des anticipations, mais encore faut-il qu’elles soient crédibles, point sur lequel je reviendrai.
Ensuite les règles d’indexation des salaires. Si le cadre légal assure une augmentation de certains salaires, l’inflation prend plus facilement un caractère auto-entretenu. C’est le cas en France, avec les règles d’indexation du SMIC, mais aussi dans une certaine mesure en Italie, en Espagne et en Belgique. En présence d’une contrainte d’offre, le maintien, voire l’augmentation du pouvoir d’achat des salaires alimente également l’inflation d’une autre façon que par les coûts salariaux : en maintenant la dynamique de la demande alors que l’offre ne suit pas, elle fait monter les prix, seule façon de ramener la demande au niveau de l’offre.
Or, ces contraintes d’offre sont très vives en France dans de nombreux secteurs. L’enquête trimestrielle dans l’industrie de l’Insee montre que la proportion d’entreprises qui disent ne pas pouvoir produire plus en raison de goulots de production et/ou de difficultés de recrutement est la plus élevée depuis que l’enquête pose ces questions (1990 pour la seconde).
La situation allemande, bien plus sérieuse que la nôtre pour le choc d’offre, en raison d’une politique énergétique dépendante de la Russie, est cependant moins inquiétante à moyen terme, les mécanismes d’indexation y étant peu présents, voire absents.
Comment réduire la durée du choc inflationniste ?
La mission de la BCE est d’assurer un rythme d’inflation autour de 2 % à moyen et long terme, ce qui devrait nous rassurer. Mais l’état de la zone euro et son hétérogénéité risquent de lui poser des problèmes : la politique quantitative, c’est à dire les achats d’obligations d’État pour faire baisser les taux à long terme et ainsi stimuler la demande pour faire remonter l’inflation avait annulé le risque de crédit que les investisseurs demandent pour détenir la dette italienne. Or cette politique n’est plus de mise, puisque l’inflation est remontée et la BCE, pour prévenir un dérapage des anticipations, devrait remonter ses taux.
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