Ce qui est plus étonnant, c’est que le maire de Moscou, Serguei Sobianine, s’est rapidement distingué des autorités centrales – lentes à réagir – en édictant pour la capitale des mesures de protection. À la mi-mars, il institue une quatorzaine pour les personnes revenant de zones épidémiques, dissuadant de facto ses administrés de partir à l’étranger. Il ferme les établissements scolaires et suspend les loisirs extérieurs. Dans la foulée, le gouvernement central est amené lui aussi à prendre de premières mesures, principalement là encore pour rendre les frontières plus hermétiques. Finalement, le leadership du maire de Moscou est consacré puisqu’on lui confie la direction d’une "cellule de crise", installé au Conseil d’État pour assurer une liaison avec les provinces.
Dans le même temps, une autre structure, interministérielle, est mise en place sous l’autorité du Premier ministre, M. Michoustine. Le 24 mars, le Maire de la capitale accompagne Poutine, engoncé dans une curieuse combinaison qui le fait ressembler à un cosmonaute, dans une visite que celui-ci effectue dans un grand hôpital moscovite (Kommounarka) où les malades atteints du virus sont traités. Jusqu’alors, Poutine n’avait pas paru marquer un intérêt particulier à l’égard du drame qui se préparait ("tout est sous contrôle" affirmait-il volontiers). On dit que c’est Sobianine, ancien chef de l’administration présidentielle, qui aurait convaincu le Président que la crise exigeait qu’il prenne lui-même les choses en main.
Or l’allocution à la nation du 25 mars apparaît à cet égard étrangement ambiguë. Le Président se montre assez décontracté, comme décalé par rapport à la situation. Il annonce une semaine chômée payée (jusqu’au 5 avril). Il préconise des mesures de distanciation sociale, mais non obligatoires. Une grande latitude est laissée aux autorités locales (gouverneurs ou autres). Surtout, le Président centre son propos sur les mesures d’accompagnement économiques (soutien aux PME notamment) et sociales (renouvellement automatique des allocations sociales, suspension du remboursement des prêts, etc.) atténuant les effets de l’arrêt partiel de l’économie. Une mesure frappe en particulier les esprits, manifestement destinée à caresser le peuple dans le sens du poil : une sur-taxation des transferts financiers à l’étranger et des dépôts bancaires en Russie dépassant un million de roubles (12 000 euros).
De façon apparemment non prévue par les autorités, la semaine chômée est interprétée par les citoyens comme une semaine de vacances. Dans les grandes villes en particulier, les habitants sortent en masse pendant le week-end des 28 et 29 mars pour profiter du beau temps. Moscou et Saint-Pétersbourg prennent des allures de Londres ou Paris deux ou trois week-ends plus tôt. Les autorités doivent réagir : les 29 et 30 mars, les consignes de confinement se font plus pressantes. Le 2 avril, Poutine s’adresse de nouveau à la nation, cette fois sur un ton plus insistant. Il annonce une prolongation des "journées chômées" jusqu’à la fin d’avril.
Ajouter un commentaire