Le 12 mai 2022, l’Institut Montaigne a eu l’opportunité d’échanger sur le passé, le présent et l’avenir de l’Ukraine avec Halyna Chyzhyk, experte en réforme judiciaire au sein de l’Anticorruption Action Center, et Maryna Khromykh, directrice exécutive de la Fondation DEJURE, à l’occasion de leur passage à Paris. Représentantes de la société civile ukrainienne, leur visite avait pour but de sensibiliser la France et l’Europe à la violence de la guerre qui ravage leur pays depuis le 23 février. Cet article, inédit pour un think tank français, propose une retranscription des sujets abordés au cours des discussions.
L’Europe : un soutien déterminant pour mettre fin à la guerre
Notre ambition est simple : en tant que représentantes de la société civile ukrainienne, nous voulons faire part de notre message à la France et à l’Europe. Notre chemin vers une Ukraine démocratique, libre et indépendante n’aboutira pas sans votre soutien. Depuis la révolution de 2014, nous avons engagé un important travail de transformation de notre société et de nos institutions. Des instances pour lutter contre la corruption ont été mises en place, des procès pour condamner ceux qui profitaient du système ont été conduits, et nous sommes aujourd’hui convaincues de la nécessité de mener à son terme la réforme de notre système judiciaire. Mais ces étapes, bien que cruciales, ont été percutées par une guerre que nous impose la Russie, et que nous ne pourrons gagner seuls. Pour sortir de cette situation, nous avons besoin de l’Europe. Nous avons besoin de faire partie intégrante de la famille européenne.
Depuis le début de l’invasion russe, on relève une incroyable coordination de l’ensemble des acteurs de la société civile ukrainienne. Mais cela ne suffit plus. Sans l’aide de nos alliés occidentaux, nous ne pourrons protéger notre peuple. Nous pensons particulièrement à la France parce qu’elle incarne l’Europe : elle est un pays fondateur et central de l’Union, son leadership y est considérable. Pour mettre fin à ce conflit, nous avons besoin d’une aide militaire d’ampleur, de nouvelles vagues de sanctions contre la Russie, d’un plan de soutien à l’image du Plan Marshall, et de la création d’un tribunal international qui pourra juger Vladimir Poutine et ses alliés pour leurs crimes. L’Occident doit comprendre que la Russie de Poutine ne se contentera pas de l’Ukraine. Elle ne s’arrêtera pas avant d’être arrêtée, faisant donc de notre pays un terrain d’enjeux qui vont bien au-delà de notre souveraineté nationale.
Le passage des siècles n’a en rien altéré les intérêts russes. Moscou veut le contrôle de la mer Noir et de la mer Baltique, ainsi que des territoires de ces régions. Si la Russie n’est pas stoppée, ce sera bientôt la Pologne, la Lituanie, l’Estonie et la Lettonie qui seront visées par Vladimir Poutine. C’est bien cela que souhaite le Kremlin : perpétuer son régime autoritaire en repoussant ses frontières, voire s’immiscer au sein même de l’Occident. Et ce qui pousse le Président russe ce n’est pas l’action, c’est l’inaction de ses opposants. L’Europe doit s’en rendre compte.
Un élément intéressant nous a interpellé : dans les semaines de tensions qui ont précédé l’invasion, Vladimir Poutine a mentionné les réformes en cours au sein des institutions ukrainiennes. Une telle mention est loin d’être dénuée de sens : elle signifie que Poutine s’intéresse à ces réformes, qui vont évidemment contre son intérêt. Les Ukrainiens eux-mêmes ne sont pas toujours informés des avancées qui ont été faites dans leur pays en près d’une décennie. Poutine, lui, connaît bien les tenants de cette transformation d’ampleur, et il réalise l'importance des progrès réalisés pour assurer la démocratisation et l’indépendance de notre pays. Une Ukraine libre serait bel et bien à l’opposée des intérêts du Président russe. Il comprend que Kyiv devient un leader régional, et que, de ce fait, il ne sera plus en mesure d’influencer ses hommes politiques et ses institutions.
Candidature à l’UE, nouvelles vagues de sanctions : des messages forts à destination de la Russie comme du peuple ukrainien
La candidature à l’Union européenne est un élément clé pour notre avenir, et nous comptons sur la France pour la soutenir. Dans le système scolaire ukrainien on insiste sur le fait que l’Occident, et la France en particulier, porte en lui un idéal de liberté et de démocratie. En vertu de ces principes, nous appelons aujourd’hui vos pays : nous avons besoin d’actions concrètes, et non plus seulement de mots.
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