En fêtant le jubilé de leur Reine, les Britanniques ont fait la démonstration de l'unité de leur peuple et de la fierté qu'ils ressentent vis-à-vis de la Couronne. Son pouvoir est certes symbolique, mais c'est peut-être là ce qui fait sa force, explique Dominique Moïsi.
Pendant quatre jours, les Britanniques - et dans une large mesure les pays membres du Commonwealth - ont tourné la page du Covid, laissé de côté la guerre en Ukraine, oublié le renchérissement du coût de la vie et célébré le "Jubilé de Platine" de leur Reine. Ce faisant, ils ont aussi voulu mettre en avant leur exceptionnelle unité derrière la continuité de la "Couronne". Depuis 1952, la Grande-Bretagne n'a connu qu'une Reine, au moment où la France a connu deux Républiques (la Quatrième et la Cinquième) et Dix Présidents.
Il y a deux manières d'interpréter les festivités qui se sont déroulées dans "l'île enchantée" que célébrait Shakespeare. La première, très "people", consiste à mettre l'accent sur le caractère Hollywoodien de ce moment unique, mélange de pompe royale et de ferveur populaire. La seconde, plus sérieuse, plus légitime aussi, conduit à se poser des questions plus fondamentales sur les mérites comparés des systèmes démocratiques.
L'unité du peuple britannique
Que diraient aujourd'hui Montesquieu et Tocqueville des célébrations, ou plus précisément des auto-célébrations qui se déroulent sous nos yeux amusés, moqueurs ou pour certains d'entre nous admiratifs, sinon envieux ? La monarchie constitutionnelle pourrait-elle représenter une formule intrinsèquement supérieure à celle de la République, surtout lorsque cette dernière a des tendances monarchiques ? George Washington se serait-il trompé en refusant la Couronne que lui proposaient nombre de ses partisans ? En séparant le pouvoir symbolique du pouvoir réel, la monarchie constitutionnelle n'est-elle pas plus démocratique que les régimes présidentiels qui concentrent tous les pouvoirs au sein d'une même personne ? Une exigence surhumaine : les qualités que l'on demande pour incarner le pouvoir symbolique n'étant pas nécessairement celles indispensables à l'exercice du pouvoir réel.
La formule de la monarchie constitutionnelle n'est-elle pas aussi plus stable, pour la raison même qu'elle favorise l'unité du peuple derrière une personne qui tire sa légitimité même de son absence de pouvoir réel ? Un de mes amis américains, un vieux sage d'Harvard, de retour à Paris après trois ans d'absence liée au Covid, me faisait part il y a quelques jours de son trouble. "Biden fait de son mieux", me disait-il "mais la société américaine est plus divisée que jamais. Ses plaies ne se cicatrisent pas, bien au contraire. Le Président, en dépit de sa modération et de sa bonne volonté, n'a pas trouvé de remèdes à la polarisation de l'Amérique".
Plus d'obligations que de droits
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