La réalité c’est qu’il existe une myriade de projets verts sur le continent, mais ils restent non rentables par rapport à leurs concurrents carbonés. La politique climatique européenne ne doit pas régler un problème de rationnement du capital qu’affronteraient les secteurs verts. Elle doit traiter un problème de manque de compétitivité de ces secteurs, pour cause de non prise en compte des externalités climatiques que les autres secteurs nous imposent. C’est vrai pour l’éolien et le solaire (sans les subventions par les tarifs garantis subventionnés sur 20 ans), comme pour le transport (voiture électrique, transport ferroviaire dans les pays où l’électricité est décarbonée) ou le logement. C’est pourquoi l’Europe devrait commencer par imposer un prix européen du carbone pour toutes les émissions de l’Union, qu’elles émanent du territoire (par le mécanisme ETS) ou d’ailleurs (par un ajustement carbone aux frontières). L’Union européenne est bien mieux placée que chacun de ses membres pour mettre en œuvre cette application du principe pollueur-payeur. Le marché de permis ETS doit être largement réformé en le généralisant à l’ensemble des secteurs ainsi qu’aux importateurs (ajustement frontière), en ne souffrant de plus aucune exemption, en supprimant la distribution de permis gratuits, en imposant un prix-plancher croissant dans le temps, et en redistribuant le "revenu-carbone" aux citoyens pour en faire un instrument de réduction des inégalités.
L’objectif de 2°C ne nous laisse plus au niveau mondial qu’un budget carbone de 600 GtCO2. À cette contrainte est associée une valeur du carbone qui doit croître dans le temps. Cette valeur est définie de telle manière que si toutes les actions qui ont un coût inférieur à cette valeur sont mises en œuvre, alors le budget carbone sera respecté, et nous ne franchirons pas la barre des 2°C. Si on impose un prix unique du carbone égal à cette valeur, on est en principe capable de décentraliser cette allocation efficace des efforts climatiques dans notre système économique libéral. Ce prix devrait être un peu inférieur à 100 euros par tCO2 aujourd’hui, et croître à 4-5 % par an.
Comment réorienter le capital pour réussir la transition énergétique ?
L’opinion publique est plutôt favorable à des politiques d’interdiction et de coercition dans les investissements privés, par exemple dans le secteur du logement (obligation de rénovation thermique, interdiction d’installation de chaudières au gaz), du transport (interdiction des moteurs à combustion d’ici 15 ans), ou de l’électricité (interdiction d’investissement d’infrastructures gazières, fermeture de centrales). Au niveau des ménages, pour justifier de telles politiques, on peut invoquer l’argument paternaliste fondé sur le manque de compréhension des conséquences de la hausse future du prix du carbone sur leur budget. Pour les industriels, ceci est impensable. Déjà aujourd’hui, à un prix de la tCO2 au-dessus de 35 euros, il est information commune que le charbon est dominé par le gaz naturel en Europe pour produire de l’électricité. L’injustifiable politique allemande d’une sortie du charbon en 2038 devient obsolète puisque les marchés vont régler le problème d’eux-mêmes. Les États se doivent de gérer cette transition socialement très coûteuse dans les bassins miniers, par des politiques appropriées de reconversion des emplois, avec un mécanisme de solidarité supranational (Fonds de Transition Juste).
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