Le royaume de Westeros a connu l’équivalent des guerres du Péloponnèse. Dans leurs rivalités suicidaires, Athènes et Sparte préparaient la Grèce à l’invasion de forces extérieures, la Perse d’abord, les Romains ensuite. Il y a une autre référence plus directe encore : les cités italiennes du Moyen-Âge et du début de la Renaissance qui vont, de par leurs rivalités, ouvrir la voie aux ambitions externes des Habsbourg d’un côté, des Valois de l’autre. Mais qui, face à l’autodestruction du royaume de Westeros, va prendre la place d’Athènes ou Sparte, de Florence, Milan ou Gênes ? Il n’y a pas de candidats extérieurs : on est plus proche sur ce plan de la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine aujourd’hui.
Mais au-delà de la référence à Thucydide, peut-on percevoir dans les scènes finales de la série, comme un appel à la modération et à l’humanisme ? L’ennemi est devenu la guerre elle-même, le déchainement des passions produit de l’instinct du mal, ou de la volonté d’imposer le bien à tout prix dans une fuite en avant totalitaire qui évoque certaines figures de la révolution française comme celle de Robespierre. Un Robespierre au féminin doté de l’arme suprême, qui n’est pas l’arme nucléaire, mais le "napalm" du dragon. Un Robespierre en jupons qu’il faut à tout prix "neutraliser" avant qu’il ne soit trop tard.
Si le déroulé qui mène à la conclusion de la série est décevant - comme pourrait l’être la version accélérée d’un film, dont on ne verrait, après coupures au montage, que les scènes déterminantes pour comprendre l’évolution de l’intrigue -, la conclusion elle-même est sophistiquée et intellectuellement et visuellement satisfaisante. Son objectif n’est pas de surprendre à tout prix le public par le scénario le plus improbable, mais de poursuivre une réflexion sur la nature du pouvoir, dans ce qu’il peut avoir de mystérieux et d’éternel.
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