En effet, il existe un consensus sur le diagnostic entre les États-Unis et l’UE mais pas encore sur les moyens. Pour les États-Unis, la réponse se concrétisera par moins de régulation mais davantage d’antitrust. Et cette divergence de réponse s’explique par la différence de question que chacun se pose au préalable : pour l’UE, il s’agit d’une question de réglementation et, pour les États-Unis, d’une question juridique. Les conséquences de ces deux situations sont aussi divergentes : l’antitrust est plus puissant mais plus difficile à contrôler, et la régulation est plus limitée.
Le DMA va-t-il avoir un impact sur l’innovation européenne ?
Les États-Unis ont toujours été performants dans le secteur numérique, et ont de ce fait un avantage comparatif industriel supérieur à l’Union européenne (UE). En investissant très tôt, les États-Unis se sont spécialisés dans la réalisation de produits innovants et surtout des produits qui génèrent de l’adhésion auprès de leurs consommateurs, une tendance que l’UE partage moins. Par ailleurs, deux autres grands avantages compétitifs américains sont à considérer : l’interaction permanente des universités américaines avec leurs écosystèmes d’innovation, et la structure de leur capital-risque.
À travers sa capacité de négociation et de coopération, l’Union dispose d’un avantage unique : elle est experte en création de consensus. Union de 27 États-membres, l’UE doit prendre des décisions communes et acceptées par tous ses membres. La Commission européenne est en cela une institution unique dans le monde, et reste la référence de production de normes à l’échelle mondiale. La création de ces normes est un sujet essentiel. Aux États-Unis, des régulations innovantes ont du mal à émerger car les plateformes américaines ont noyauté les régulateurs et les politiques de régulation. En Europe, les institutions ont plus d’indépendance. C’est la raison pour laquelle l’UE est la seule capable d’établir des régulations plus agressives envers les plateformes.
Avec cela en tête, le fait qu’aucun des grands acteurs numériques mondiaux ne soit européen pose question, mais la politique de concurrence a probablement un impact minimal sur ce problème. En effet, l’augmentation de la concurrence a surtout un impact direct sur le niveau de vie. Grâce à la concurrence dans le secteur des télécommunications, les ménages français épargnent par exemple 100 euros chaque mois sur leur facture télécom. Cela équivaut uniquement à une augmentation du pouvoir d’achat, et non à un taux de croissance du PIB. En théorie la concurrence peut engendrer un taux de croissance supérieur, cela reste encore à prouver dans la pratique en Europe.
Existe-t-il un consensus entre les États-Unis et l’Union européenne pour prévenir les abus de position dominante provenant de l’utilisation de données multi-sectorielles ?
Les données en tant que telles ne donnent pas du pouvoir de marché, c’est le contrôle d’un goulet d’étranglement induit par ces données qui donne le pouvoir de marché. C’est ainsi que l’on parle très justement de gatekeeper.
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