Gilet jaune : magnifique trouvaille pour produire des images. Soulèvement numérique : belle nouveauté pour inventer une série. Audimat garanti. Les commentateurs, de droite, de gauche, de nulle part, glosent ou s’enthousiasment sur "la fraîcheur" du mouvement, la "nouvelle forme de démocratie participative", voire sur "le réveil du peuple". Le samedi 17 dès l’aube, rebelote aux petites heures du 24, éditions spéciales annoncées la veille pour rendre compte de la mobilisation en temps réel, du jamais vu pour un mouvement social dans notre histoire.
Qui ?
Un ensemble d’individus qui n’entrent pas dans les grilles de lecture ordinaire des observateurs et commentateurs de la vie politique. Des gens de gauche et d’autres de droite. Des apolitiques et des ultras (ultras de trois sortes : ultra-droite, ultra-gauche et ultra-violents, qui profitent de l’aubaine pour casser ce qui peut l’être).
Mais surtout des "gens" comme le disent les médias, voire "les gens", pour reprendre les termes de la France insoumise. Parmi eux, des femmes, en grand nombre. Des automobilistes qui ne peuvent pas se passer de leur voiture pour aller travailler, mais pas seulement. Des salariés, des indépendants, des retraités, qui ne gagnent guère plus et souvent moins que le salaire médian, 1 772 euros net par mois.
Il s’agit du "peuple central" déclare Marine Le Pen, reprenant une expression utilisée par Jean-Luc Mélenchon lors de son meeting de campagne présidentielle sur la Cannebière, à Marseille, le 9 avril 2017, dans une de ces envolées lyriques dont il a le secret : "Vous voici vous autres, le peuple central, celui qui aspire à vivre de son travail, de ses inventions, de ses poèmes, de son goût d’amour pour les autres". En vérité, la notion de "peuple central" remonte à loin dans notre histoire, puisqu’elle fut utilisée en… 1903, par un comité de bonapartistes qui se baptisa "Appel au peuple central".
Un groupe d’individus, certainement pas riches, pas complètement pauvres, qui se sentent les oubliés de la République et seraient soutenus – sondages à l’appui - par les deux tiers ou trois quarts des Français. Comment être contre ?
La plupart sont ou se sentent des "NON". Des non-votants, des non-manifestants (avant), des non-syndiqués (aucune centrale syndicale ne soutient officiellement le mouvement), des non-politisés, des non-représentés.
Pour quoi ?
Comment s’y retrouver dans la diversité des cris de colère ? Peut-être en esquissant une temporalité.
- Temps 1. Rejet des augmentations du prix du gazole et de l’essence. Non à la hausse des taxes sur les carburants.
- Temps 2. Extension de la protestation. Nombre des paroles relèvent plus de la révolte que de la revendication. "Marre de subir. Pour mon enfant quel avenir ?" écrit un protestataire sur son gilet. "Les élites parlent de fin du monde quand nous on parle de fin de mois" proclame un autre.
- Temps 3. Multiplication et radicalisation des demandes. Non aux taxes. Non à la baisse du pouvoir d’achat. Non aux élus. Non à l’Assemblée : dissolution. Non à Macron : démission.
- Temps 4. Ce 26 novembre, les Gilets jaunes se dotent de 8 citoyens, mi-portes-paroles, mi messagers, délégués pour discuter avec le gouvernement et dénommés "communicants officiels" dans un vocable quasi macronien.
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