L’administration française a énormément investi dans le dossier iranien et ce pendant de longues années. Ainsi, le sort de l’accord, connu officiellement sous le nom de Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA), sera un véritable test. L’approche qu’a pour l’instant formulée M. Biden - c’est-à-dire que Téhéran doit "revenir à un respect strict de l’accord", suite à quoi Washington rentrerait dans l’accord et travaillerait avec ses alliés pour "le renforcer et l’étendre tout en combattant les autres activités déstabilisatrices de l’Iran" - satisfait globalement la France, qui sera disposée à travailler avec Washington sur un "JCPOA 2.0".
Les déclarations de M. Biden, qui a notamment dit que "l’engagement des États-Unis [au sein de l’OTAN] est sacré, et non transactionnel" et celles de M. Blinken, qui a lui réaffirmé que l’Europe "demeure un partenaire de premier recours, et non de dernier recours quand on en vient à relever les défis auxquels nous sommes confrontés" sont également bien vues en France. Paris est disposée à travailler sur un nouveau Concept stratégique pour l’OTAN, suite notamment aux critiques émises par M. Macron dans une interview désormais célèbre accordée à The Economist selon lesquelles l’alliance était en état de "mort cérébrale". M. Macron acceptera également volontiers - et attend probablement - le soutien de M. Biden à sa volonté de clarifier le rôle de la Turquie dans l’Alliance. La France n’émettra sans doute pas d’objection à une refonte de la présence militaire permanente des États-Unis en Europe, tant que celle-ci est faite en concertation avec les alliés.
Les instincts de M. Biden quant à la Russie devraient également satisfaire la France dans la mesure où il devrait à la fois résister à la posture agressive de Moscou en Europe tout en laissant une chance à la diplomatie. Ceci devrait inclure des initiatives dans le domaine de la maîtrise des armements, une autre initiative qu’appuiera en principe Paris, sans toutefois avoir de vrais espoirs de résultats.
Les deux gouvernements devraient également être alignés sur la question hautement symbolique d’Israël et de la Palestine, mais la coopération au Moyen-Orient pourrait ne pas être si aisée si l’administration Biden tenait la promesse faite par le "Président-élu" pendant la campagne de s’éloigner des régime autocratiques en Arabie saoudite et en Égypte, deux partenaires essentiels de Paris. Ceci sera également vrai si les Français viennent à conclure que les États-Unis souhaitent se désengager définitivement de la région.
Une initiative clé qui pourrait ne pas plaire à la France est l’idée de regrouper les démocraties "partageant des valeurs communes", comme le dit Jake Sullivan, afin de coordonner l’approche à adopter envers la Chine, le changement climatique, les pandémies, et la politique commerciale. M. Biden a fait de l’organisation d’un tel "Sommet des démocraties" une priorité affichée afin de "renforcer nos institutions démocratiques, affronter de manière honnête les pays qui reculent, et formuler une stratégie commune". Les Français ont en tête le projet avorté d’"alliance des démocraties" datant de l’ère Clinton, et seront peu enclins à formaliser une distinction trop nette entre les démocraties et les autres régimes. Et bien qu’ils soient d’accord pour travailler avec Washington pour contrer l’influence et l’agressivité de Pékin dans de nombreux domaines, ils ne voudront pas être entraînés dans une croisade anti chinoise.
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