Et une administration Biden cherchera en priorité à tourner la page du pire des années Trump et donc à réinvestir l’OTAN et la relation avec Berlin, dessinant une relation transatlantique plus conservatrice que celle espérée à Paris. La meilleure option reste d’agir dès aujourd’hui pour imposer la voix européenne sur les grandes crises en créant des faits accomplis. Espérer un lien transatlantique renforcé ne suffit plus ; il faut le susciter.
Cette recherche d’agilité et d’influence doit permettre à la France d’échapper aux vieilles querelles théologiques qui agitent encore trop souvent notre débat diplomatique. "Gaullistes" contre "néoconservateurs" ? Pour ou contre l’OTAN ? Faut-il parler à la Russie ? Ces fractures identitaires sont obsolètes. Il n’y a par exemple aucune contradiction entre le fait de parler à Svetlana Tikhanovskaia, défendre le droit des Biélorusses à un avenir libre et démocratique, et reconnaître qu’aucune solution ne passera outre un dialogue sans naïveté avec Moscou. Non seulement une présence active dans l’OTAN permet à nos militaires d’y exercer une influence utile, mais cherchons au contraire à intégrer plus de forums. Pourquoi ne pas demander un statut d’observateur dans les groupes d’intérêts européens que sont l’Initiative des Trois Mers en Europe Centrale ou la Ligue Hanséatique dans le Nord ? L’Allemagne ne se prive pas d’être présente dans ces événements que nous boudons le plus souvent.
Deux débats pourraient compléter cette nouvelle orientation.
- Tout d’abord, sur nos outils d’influence. Comment, à l’image de l’Allemagne par exemple, mieux mobiliser des acteurs non étatiques, fondations, think tanks, ONGs, entreprises ou encore parlementaires dans l’élaboration de notre diplomatie, en faire des multiplicateurs d’influence ? Une telle approche ne vise en aucun cas à remettre en cause leur indépendance, mais à comprendre que l’État ne peut être le seul acteur tissant les réseaux d’influence informels nécessaires au leadership international. Établissons un véritable audit de la présence française dans les grandes conférences internationales, du rôle de nos fondations (qui pourraient offrir des fellowships à Paris pour des jeunes experts et hauts fonctionnaires européens et américains, comme le fait la Fondation Bosch), ou encore de nos parlementaires à l’étranger.
- Ensuite, sur l’articulation entre politique étrangère et politique intérieure. Comme le montre le retour de bâton contre l’interventionnisme et le libre-échange des années Clinton/Bush dans la société américaine, une politique étrangère ambitieuse doit constamment faire la démonstration de son utilité auprès de son électorat. Il s’agit à la fois d’un enjeu de communication, de pédagogie sur l’action diplomatique, mais aussi d’intégration claire des préoccupations sécuritaires et économiques des Français dans l’action diplomatique.
Copyright : Thibault Camus / POOL / AFP
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