Daech ne représente cependant pas une menace sérieuse pour les régimes en place à Damas et à Bagdad, aux yeux desquels il constitue surtout un épouvantail à agiter pour mobiliser leur base locale et leurs relais internationaux. L’exclusion persistante de la population arabe sunnite - en Syrie bien plus nettement qu’en Irak - permet malheureusement à Daech de se poser en champion de cette communauté, et de la prendre, par la même occasion, en otage. C’est pourquoi Saïd al-Mawla et ses fidèles sont convaincus que le temps joue en leur faveur. En effet, sans une réelle transition politique en Syrie et un partage du pouvoir bien plus généreux en Irak, on ne peut espérer mettre en échec une telle stratégie de Daech qui, a contrario, pourrait s’avérer chaque jour plus payante.
Quelles sont ses principales zones d'influence, au Moyen-Orient et en Afrique ? Où est-elle susceptible de se développer dans les prochaines années ?
C’est sur la filiale libyenne de Daech qu’Abou Bakr al-Baghdadi avait le plus investi au moment de l’apogée de son "califat", à la fois en termes humains, militaires, financiers et médiatiques. Les djihadistes libyens s’étaient même emparés en février 2015 de la cité stratégique de Syrte, berceau du dictateur déchu Kadhafi, recrutant de nombreux partisans de l’ancien régime. Les milices de Misrata, fidèles au gouvernement de Tripoli, seul reconnu par l’ONU, sont cependant parvenues, au prix de très lourdes pertes, à libérer Syrte à la fin de l’année 2016. Il convient de souligner que le "maréchal" auto-proclamé Haftar, l’homme fort de Benghazi, a donc laissé ses adversaires, qu’il qualifie pourtant de "terroristes", débarrasser seuls la Libye du bastion djihadiste de Syrte, alors que lui-même et ses soutiens étrangers se présentent volontiers comme le meilleur rempart à Daech. On retrouve cette contradiction fondamentale entre le discours de légitimation anti-terroriste et la réalité de la lutte anti-djihadiste en Égypte, où la branche de Daech dans le Sinaï, née avant la proclamation du "pseudo-califat", continue de semer la terreur dans le nord de cette péninsule stratégique. Les offensives lancées à intervalles réguliers par le Président Sissi, à grand renfort de propagande, n’ont jamais réussi à "éradiquer" la menace djihadiste, alors même que le rapport de force humain entre cette insurrection fortement implantée dans la population bédouine, d’une part, et l’armée égyptienne, d’autre part, reste de un à cent, voire de un à mille.
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