Tout comme la décision américaine, en mai dernier, de ne pas sanctionner l’Allemagne du fait de la construction du gazoduc Nord Stream 2, qui vise à contourner le territoire ukrainien. La suspension par l’administration allemande, la semaine dernière, de la certification du gazoduc - décision presque certainement non liée au contexte géopolitique actuel - a peut-être en revanche été interprétée à Moscou comme un nouveau geste inamical des Européens.
Les deux scénarios ne sont évidemment pas incompatibles, et M. Poutine, qui n’est pas un stratège mais a une vision et est doué d’opportunisme, pourrait très bien garder plusieurs fers au feu. Et si le scénario d’une brusque escalade militaire n’est pas le plus probable, il serait désormais irresponsable de ne pas le prendre en compte. D’autant que la Biélorussie serait, dans cette hypothèse, appelée par le Kremlin à redoubler de pression sur ses voisins polonais et balte.
Face à ce raidissement russe, l’Europe et l’Alliance atlantique restent divisées. Le Président bulgare, qui vient d’être réélu, déclare que la Crimée est russe. De leur côté, dans une déclaration plus musclée qu’à l’accoutumée, la France et l’Allemagne ont averti le 15 novembre que "toute nouvelle tentative de porter atteinte à l’intégrité territoriale de l’Ukraine aurait de graves conséquences". Tandis que le Secrétaire général de l’OTAN brise de manière inattendue un tabou en suggérant pour la première fois que l’engagement pris par les alliés en 1996 de ne pas stationner d’armes nucléaires à l’Est de l’Europe pourrait tomber si le nouveau gouvernement allemand renonçait au "partage nucléaire", c’est-à-dire à contribuer directement, via l'emport d’armes nucléaires américaines par ses chasseurs-bombardiers, à la dissuasion commune.
Cette double crise s’imposera volens nolens à l’agenda de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, à la fois sous l’angle des relations avec le voisinage de l’Europe et - surtout - de celui de l’immigration et de la politique d’asile. On le sait, ces sujets se sont déjà invités dans la campagne présidentielle. Certains candidats voient dans le "dialogue avec la Russie" la solution naturelle. Ce dialogue est pourtant constant et montre qu’avec M. Poutine, une seule voie est réaliste : celle de l’épreuve de force.
Copyright : Sergei ILYIN / SPUTNIK / AFP
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