Dit autrement, la Chine a nourri sa propre reprise avec les efforts de soutien de la demande que ses principaux partenaires ont consentis. La balance commerciale de la Chine et son compte courant ont renoué avec des niveaux d’excédent record, et ce en dépit de l'exportation de capitaux par les institutions para-étatiques au cours de l’été. Là encore, on peut certes chicaner : la demande extérieure pourrait faiblir, il existait déjà en Chine une bulle de crédit, les entreprises publiques ont reçu beaucoup plus de soutien que les PME... et c’est là un raisonnement juste, car la population à bas salaires et les travailleurs migrants ne se portent pas aussi bien que le pays dans son ensemble, et le chômage constitue une préoccupation croissante.
Mais pour le moment, c'est une victoire pour Xi Jinping. De plus, le climat politique dans lequel baignent aujourd’hui les démocraties, à commencer par les États-Unis et leur campagne présidentielle, n'est pas susceptible de faire douter les dirigeants chinois, ou leur public captif, de l’accélération du déclin de l’Occident. C'est la deuxième fois, après 2007-2008, qu’ils peuvent faire cette interprétation.
Les choix politiques semblent en découler naturellement. Plus que jamais, Xi Jinping s’efforce de muscler le Parti, son "Centre" (中央)et son propre "noyau" de direction, affirmant ainsi la puissance de la Chine à l'international. Les signes sont partout. Un nouveau règlement du PCC exige l'adhésion loyale de tout citoyen aux idées et décisions du Parti. Il confère explicitement au Centre le pouvoir d’être à l’initiative des politiques et désigne nommément Xi Jinping en tant que chef suprême (d'après la Constitution nationale et celle du Parti). La présence du Parti dans les entreprises privées s'étend désormais à la surveillance de leur gestion. L'étude de la pensée de Xi Jinping s'étend désormais aux moindres recoins de la vie publique chinoise.
Tous les collègues — ou collaborateurs ? — de Xi Jinping n’ont pas encore personnellement endossé le rôle de la "Pensée Xi Jinping" au centre du PCC. Lors d’une récente visite à Shenzhen, Xi Jinping a reconnu le rôle de Deng Xiaoping dans la montée en puissance économique de la région, tandis que lors d'une visite précédente, il avait fait plus grand étalage du rôle de son propre père dans la création de la zone économique spéciale. Il convient de continuer à observer ces nuances, mais elles relèvent sans doute d’une tactique politique fidèle à la formule "un pas en arrière, deux pas en avant". Une campagne de rectification est en effet en cours au sein de tous les organes de sécurité. Après la Police armée du peuple, les forces de sécurité publique ont été placées directement sous le contrôle du Parti. Le 14ème Plan quinquennal renforcera sans aucun doute la "circulation intérieure" comme l’ancien slogan d' "autosuffisance" (自力更生). Une question intéressante reste de savoir dans quelle mesure le Plan cherchera à y refléter la promesse formulée à l’international par Xi Jinping d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2060, pour laquelle un renversement immédiat du cours actuel des choses serait, sinon suffisant, du moins nécessaire.
Est-ce en raison des craintes propres à tout dirigeant autoritaire vis-à-vis des menaces pesant sur sa propre légitimité ? Ou au contraire parce Xi Jinping a une confiance prodigieuse dans sa propre vision ? En tous cas, la tendance vers un pouvoir d'acier détenu par un seul homme, exigeant une loyauté totale de la part de chaque citoyen, s'accélère. À ce stade, les éléments de débat auxquels nous avons accès portent seulement sur les moyens techniques permettant d’atteindre des objectifs politiques et nationaux, que personne par contre n’est invité à remettre en question.
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