La dépendance de l'Europe au gaz russe ouvre une autoroute de pressions à Moscou, observe le géopolitologue Dominique Moïsi. Face au chantage du Kremlin, le Vieux Continent ne peut plus, comme il le faisait encore hier, compter sur la protection américaine.
"Winter is coming". C'est au sens le plus littéral du terme que Vladimir Poutine - sans jamais faire directement référence à la célèbre série "Game of Thrones" - vient de rappeler aux Européens leur dépendance par rapport au gaz russe. Son message est d'une parfaite simplicité et peut se résumer ainsi : "Si vous ne voulez pas mourir de froid, arrêtez de critiquer la Russie."
Alternant le froid et le chaud, Vladimir Poutine s'est empressé quelques jours plus tard de "rassurer" les Européens. "Nous ajusterons toujours l'offre à la demande… pour peu bien sûr que vous vous engagiez sur des contrats d'approvisionnement à long terme." Ces dernières précisions ne trompent personne. De fait, dans sa brutale candeur initiale, le maître du Kremlin aboutit à un résultat concret. Il élargit à la géopolitique, le concept d'énergies polluantes. Autrement dit : il n'y a pas seulement de l'eau dans le gaz, il y a de la géopolitique.
Dépendance énergétique
Le mot de pollution ne doit pas seulement mesurer l'impact négatif des énergies fossiles sur la planète. Il décrit également l'état de dépendance dans lequel se trouvent des nations qui ont pour fournisseurs des régimes, le plus souvent, autoritaires.
Lutter contre la "pollution géopolitique" commence bien sûr par réduire sa dépendance à l'égard de ces énergies fossiles qui sont doublement polluantes. Un mix énergie nucléaire/énergie renouvelable apparaît, sur un plan strictement rationnel, comme la réponse la plus adaptée. Mais elle n'est pas, politiquement et émotionnellement, possible pour tous.
De fait il existe une contradiction spectaculaire entre l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et la passion antinucléaire. Le rejet de l'atome place ses pourfendeurs dans une dépendance nocive à l'égard de régimes qui sont non seulement parmi les plus grands pollueurs de la planète mais qui ont aussi, sur les questions de société, des vues à l'exact opposé des "Verts".
Intérêts nationaux
Réduire notre dépendance à l'égard de pays comme la Russie, l'Algérie (sinon le Qatar et la Norvège qui sont beaucoup moins "invasifs" que les deux premiers cités) est une exigence tout à la fois difficile et insuffisante. Il n'est plus besoin de démontrer sa nécessité, après le caractère plus qu'explicite du chantage russe. Mais la dépendance à l'égard de l'énergie fossile apparaît pourtant si confortable, même si elle est de plus en plus coûteuse. Et ce surtout pour un pays comme l'Allemagne, qui a fait une croix sur le nucléaire.
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