Si on a observé une hausse des crédits de paiement avec un taux de croissance annuel moyen de 9,2 % de 2017 à 2022 (1,74 Md€ en 2017, 1,95 Md€ en 2018, 1,99 Md€ en 2020, 2,20 Md€ pour le PLF 2021, 2,68 Md€ en 2022), le PLF 2023 présente un ralentissement dans cette dynamique d'augmentation avec des crédits de paiement de 2,78 Md€ (taux de croissance de 3 % entre 2022 et 2023), en anticipation d'une baisse de croissance de 2,5 % dans les années à venir : les prévisions indicatives pour 2024 et 2025 sont respectivement de 2,72 Md€ et de 2,64 Md€.
Une hausse de 100 millions d'euros est donc attendue pour 2023. Le gouvernement a récemment annoncé vouloir remettre 40 millions d'euros pour le maintien des 14 000 places, ce qui porterait la hausse du budget à 140 millions d’euros - un chiffre ne remettant pas en cause le faible niveau de cette hausse ni les baisses à venir pour 2024 et 2025. 40 millions, c’est donc le maintien (et non pas l'augmentation) des places d'hébergement - c'est aussi, et à titre de comparaison, la somme consacrée par l'État à l'hébergement d'urgence dans le Bas-Rhin. Il est difficilement entendable de réduire si significativement la dynamique d'augmentation du budget menée jusqu'alors (+ 9 % de taux de croissance annuel du budget entre 2017 et 2022 - contre +3 % en 2023 et -2,5 % pour 2024 et 2025) alors que le nombre de personnes dans les rues ne diminue pas à la hauteur des moyens engagés.
Comment appréhender ce recul de l'intervention de l'État ?
Cette coupe budgétaire doit s'envisager dans un contexte de diminution constante des dépenses pour le logement engagée dès le début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron - l'hébergement ne faisant pas exception. De façon plus spécifique au logement social, les fonds disponibles pour les HLM ont subi une réduction de six milliards d'euros entre 2018 et 2022, notamment à la suite de la "Réduction du loyer de solidarité" (RLS) à hauteur d'1,3 milliard d’euros par an, couplée à une hausse de la TVA sur les prêts locatifs sociaux, ce qui implique une réduction de la capacité d'investissement des bailleurs sociaux, comme le montrait l'Institut Montaigne dans son bilan du quinquennat 2017-2022 sur le logement. Ces fonds auraient pu servir la construction de plus de 200 000 logements sociaux sur la période.
Un PLF qui traduit un manque de vision et de cohérence de la politique publique "de la rue au logement" au détriment des publics les plus fragiles
Si l'ambition affichée du plan "logement d’abord" est louable et éprouvée dans d'autres pays (le "housing first" aux États-Unis, Irlande, Danemark…), elle se heurte à la réalité de sa mise en œuvre en France.
Comme le montre bien le sociologue Julien Damon dans son rapport Héberger, c’est loger ? Aux frontières du logement ordinaire (septembre 2021), l'objectif initial du "logement d’abord" (assurer l'accès direct au logement en réduisant le recours à l'hébergement temporaire) a été inversé, dévoilant une incohérence de la politique publique. En réalité, le secteur de l'hébergement s’est davantage développé que celui du logement : depuis 2010, le nombre de places d'hébergement financées dans des hôtels a augmenté de 251 %.
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