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Note
Février 2022

Logement : rebâtir nos ambitions

Personnes auditionnées
  • Benoist Apparu, Président d’Emerige, ancien Président du directoire de in’li (au moment de l’audition),
  • Maya Atig, Directrice générale, Fédération Bancaire Française (FBF)
  • Christophe Boucaux, Délégué général, Pôle Habitat FFB
  • Olivier Colonna d'Istria, Président du Directoire, SOCFIM
  • Jean-Marc Coly, Président de l’ASPIM
  • Glenn Domingues, Directeur de la Communication corporate et des Affaires publiques, Membre du comité de direction, Gecina
  • Véronique Donnadieu, Déléguée générale de l’ASPIM
  • Stephan de Fay, Directeur général, Grand Paris Aménagement
  • Anne-Sophie Grave, Présidente du directoire, CDC Habitat
  • Jérôme Grivet, Directeur général adjoint Pôle Finances, Groupe Crédit Agricole
  • Philippe Guérand, Président, SIER constructeur
  • Damien Héreng, Président de la Fédération Française des Constructeurs de maisons individuelles
  • Christian de Kérangal, Directeur général, Institut de l'Épargne Immobilière et Foncière (IEIF)
  • Christine Kleis-Gruber, chargée de missions, FBF
  • Armelle Langlois, Directrice du Pôle Performance Durable, VINCI Construction France et membre du comité d’orientation de La Fabrique de la Cité
  • Julien Landfried, Directeur Exécutif Communication, Affaires Publiques et Marque, Gecina
  • Laurent Lavergne, Global Head of Asset Management & Development, AXA Investment Managers et membre du Conseil de surveillance de "1001 Vies Habitat"
  • Christine Leconte, Présidente, Conseil national de l’ordre des architectes
  • Xavier Lépine, Président, IEIF
  • Xavier Lièvre, Notaire à Paris, 3e vice-président du Conseil supérieur du notariat
  • Olivier Mareuse, Directeur des Gestions d'Actifs et Directeur des Fonds d'Épargne, Groupe Caisse des dépôts
  • Patrice Michalon, Directeur général délégué, SIER constructeur
  • Grégory Monod, Président, Pôle Habitat FFB
  • François Rieussec, Président, UNAM
  • Augustin Rossi, Conseiller, Assemblée des Départements de France (ADF)
  • Bénédicte Rouault, Chef de cabinet du Président, FNAIM
  • Alexis Rouque, Délégué général de la Fédération des Promoteurs Immobilier (FPI) France (au moment de l’audition)
  • Philippe Salle, Président, Foncia
  • Nicolas Thouvenin, Délégué général, UNAM
  • Jean-Marc Torrollion, Président fédéral, FNAIM

Deuxième poste de dépense à l’échelle de l’ensemble des ménages, le logement est une préoccupation majeure pour les Français. La politique du logement fait également l’objet d’une attention constante de la part des pouvoirs publics : avec près de 38 milliards d’euros de dépenses en logement en 2020, notre pays figure parmi les États de l’Union européenne qui y consacrent le plus de ressources.

Pourtant, cette intervention importante de la puissance publique peine à répondre à la demande croissante de logements, notamment dans les zones tendues. Le prochain quinquennat doit être l’occasion de repenser cette politique afin d’en faire une grande cause nationale. Les constats que l’Institut Montaigne a établi dans son précédent rapport Politique du logement : faire sauter les verrous (2015) sont toujours d’actualité et méritent une attention renouvelée, en particulier la territorialisation de la politique de logement et la question de l’efficacité des dépenses publiques.

À ces constats s’ajoutent de nouvelles évolutions : les réformes à l'œuvre dans le champ du logement social, la prise en compte croissante des enjeux environnementaux et les modes de vie changeants nés de la crise sanitaire et amènent à repenser l’aménagement de nos territoires. Autant d’enjeux que l’Institut Montaigne souhaite positionner au cœur du débat pour que la question du logement (re)devienne centrale dans les politiques publiques.

Des besoins de logements différenciés…

La France connaît une demande en logement croissante, reflétée par une hausse importante des prix de l’immobilier partout en France au cours des vingt dernières années. Entre 2005 et 2020, le prix au mètre carré des appartements neufs est passé de 2 757 € à 4 318 €, soit une augmentation de 57 % en quinze ans.  

Cependant, les besoins de logements et les tensions sur l’offre liées à ces derniers sont hétérogènes en fonction des territoires. L’indice de tension immobilière, qui mesure le rapport entre le nombre d’acheteurs et le nombre de biens à vendre, atteint 16 % dans les Hauts-de-Seine alors qu’il s’établit à - 1 % dans les Landes et dans le Gers. Les écarts de prix peuvent également être très significatifs au sein d’un même département : ​​dans le Nord par exemple, il faut débourser en moyenne 3 500 € à Lille contre à peine 1 000 € à Maubeuge.

…qui plaident pour la territorialisation de la politique du logement

Aujourd’hui, la politique du logement en France repose sur la logique d’une stratégie nationale pour des décisions locales : l’État définit l’objectif de construction de logements à échelle nationale et l’acte de construire résulte en premier lieu des compétences dévolues aux maires.

Fixer des d’objectifs de construction à l’échelle du pays entier semble pourtant inadapté aux dynamiques territoriales et aux besoins qui en résultent. La baisse constante du nombre de permis de construire accordés et le décrochage de la France en la matière par rapport à ses voisins européens sont des indicateurs des ambivalences de ce système.

Si l’on regarde cela d’encore plus près on constate que la politique du logement s’articule autour de nombreux acteurs sur plusieurs échelons :

  • l’État définit la stratégie de la politique du logement au niveau national, et fixe des règles générales (aides financières, fiscales et personnelles au logement ; attribution des aides au logement social…) et les objectifs nationaux de la politique du logement (notamment en termes de construction de logements) ;
  • la Région établit le SRADDET (schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires) ;
  • les Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) peuvent définir les plans locaux d’urbanisme intercommunaux. L’exercice de cette compétence est aujourd’hui assurée par seulement 51,5 % des EPCI ;
  • les Communes définissent des plans locaux d’urbanisme et délivrent les permis de construire. Ces deux compétences peuvent être déléguées à l’EPCI, même si dans les faits cela n’arrive que très rarement.
Nos propositions pour territorialiser la politique du logement

La réponse aux enjeux de chaque territoire doit passer par le renforcement de la territorialisation des politiques de logement, tout en l’adaptant aux besoins de chacun. Donner plus de poids au local permettrait la constitution d’un véritable projet de territoire associant l’ensemble des acteurs concernés (services de l’État, collectivités territoriales, bailleurs sociaux, investisseurs institutionnels, etc.).

Proposition n°1 : Accorder aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) un rôle de "chef de file" en matière de logement.

Proposition n°2 : Mettre en place un mécanisme de contractualisation entre l’État et les intercommunalités en vue notamment de définir le cadre de la politique du logement à l’échelle du bassin de vie.

Proposition n°3 : Rendre obligatoire les plans locaux d’urbanisme à l’échelle intercommunale.

Proposition n°4 : Transférer la délivrance des permis de construire aux intercommunalités.

Proposition n°5 : Faire du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires un outil de planification de la politique du logement à l’échelle de chaque région. Le rôle de la Région gagnerait à être renforcé comme échelon de concertation et de pilotage de la politique du logement à échelle locale. En effet, la région est compétente en matière d’aménagement du territoire (en matière d’infrastructures de transport ou de prévention et de gestion des déchets par exemple) et elle pourrait se voir reconnaître un rôle effectif de planification et d’évaluation des besoins à satisfaire.

Une forte demande en logements que la dépense publique ne parvient pas à satisfaire

Les dépenses publiques liées au logement, qui représentent 1,6 % de notre PIB (contre 0,7 % au sein de l’Union européenne), ne consistent pas seulement à soutenir la construction de logements.

Ces dépenses doivent être distinguées entre les dépenses pour le "hard" bâti, la construction, et celles pour le "soft", c’est-à-dire le soutien à la consommation de logement par les ménages. En réalité, c’est surtout ce deuxième type de dépenses qui sont les plus importantes, elles correspondent en effet à 22,1 milliards d’euros, tandis que les aides pour le "hard" représentent un montant d’environ 15,2 milliards d’euros.

L’existence d’aides directes au profit des ménages permet de solvabiliser la demande, notamment des plus vulnérables. Rappelons que le taux d’effort des ménages - c’est-à-dire le pourcentage des revenus des ménages dédiés au logement - est globalement plus faible que dans le reste de l’Union Européenne, l’intervention de l’État reste donc nécessaire.

Néanmoins, il existe toujours une demande sociale forte que la dépense publique ne parvient pas à satisfaire : pour ceux dont les ressources sont inférieures à 60 % du revenu médian, le taux d’effort s’établit à 36,3 % contre 14,7 % pour les autres alors que les dépenses publiques en faveur du logement sont près de deux fois supérieures à celles de nos voisins. À l’heure où le redressement des comptes nationaux est nécessaire, la faible efficacité de cette intervention publique massive doit nous pousser vers de nouvelles pistes de solutions.

Nos propositions pour mettre en place une politique du logement plus efficace

Proposition n°6 : Acter l’extinction du dispositif Pinel après 2024.

Proposition n°7 : D’ici 2024 et la fin du dispositif Pinel, initier une réflexion sur l’opportunité de définir un régime pérenne pour les investisseurs particuliers, à l’image d’un "statut" du bailleur privé.

Proposition n°8 : Simplifier le cadre juridique en limitant le recours à de nouveaux textes législatifs et en instituant une procédure de déclassement des dispositions de nature réglementaire dans la partie législative du code de la construction et de l’habitation.

Proposition n°9 : Mettre fin aux dispositifs d’encadrement des loyers à tout le moins lors de la conclusion d’un nouveau bail.

Une nouvelle réflexion sur le logement social semble nécessaire

Le modèle français de logement social se distingue par son caractère "généraliste", c’est-à-dire qu’il ne cible pas seulement les plus démunis mais l’ensemble des ménages disposant de faibles revenus : dans les faits, c’est ⅔ des ménages qui sont susceptibles d’être éligibles au logement social. Cette conception, qui constitue le fondement de notre politique en matière de logement social, poursuit trois grands objectifs : favoriser la mixité sociale, accompagner l’ensemble des ménages modestes et influer sur le niveau global des prix.

Pourtant, la demande exprimée par les plus vulnérables n’est qu’imparfaitement satisfaite. Selon les données de l’ANCOLS, les ménages devaient patienter un an et deux mois en 2019 avant de bénéficier d’un logement social. Dans Paris et sa proche couronne, l’attente atteignait plus de trois ans.

Une réflexion d’ensemble sur ce qu’est le logement social en France, sa vocation et les publics auxquels il doit s’adresser doit permettre de s’interroger sur ce qu’est la mixité sociale et les parcours résidentiels qu’il faut encourager, la mobilité résidentielle - c’est-à-dire la possibilité d’évoluer au sein du parc social ou du parc social au logement libre - étant une problématique majeure dans le champ du logement social

Nos propositions pour faire évoluer le  logement social

Proposition n°10 : Initier en début de quinquennat une réflexion d’ensemble sur ce qu’est le logement social en France, sa vocation et les publics auxquels il doit s’adresser.

Proposition n°11 : Évaluer, au moins dans les zones tendues, l’opportunité de recourir à des contrats de bail à durée déterminée dans le parc social afin d’accroître la mobilité résidentielle.

Proposition n°12 : Évaluer l’opportunité de recourir largement au bail réel solidaire dans les zones tendues au-delà du seul champ du logement social.

Poursuivre et massifier la rénovation énergétique : un impératif pour atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050

La question de la rénovation énergétique des bâtiments est devenue indissociable de la politique du logement. Selon les estimations réalisées par le Haut conseil pour le climat (HCC), l’investissement annuel public et privé en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments est estimé à 13 milliards d’euros. Bien que conséquent, ce montant devra être multiplié au moins par deux dans les prochaines années pour atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050.

Pour y parvenir, de nombreux dispositifs ont été mis en place par les pouvoirs publics : "MaPrimeRénov" (2 milliards d’euros en 2022), de l’éco-prêt à taux zéro ou encore du taux réduit de TVA à 5,5 % pour certains travaux de rénovation, (1,5 milliard d’euros en 2022). De même, le prêt avance mutation (PAM +) et le prêt viager hypothécaire sont des dispositifs prometteurs.

Si ces dispositifs semblent aller dans le bon sens, trois axes pourraient utilement guider l’action de l’État dans les prochaines années : viser la massification de la rénovation énergétique, simplifier l’accès aux dispositifs existants en créant par exemple un guichet unique et se garder de toute mise à contribution excessive des finances publiques.

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