AccueilSociétéSauver le droit d’asileRapport octobre 2018Sauver le droit d’asile Société Action publiqueImprimerPARTAGERAuteurs Jean-Paul Tran Thiet Senior Fellow Jean-Paul Tran Thiet, ancien haut fonctionnaire français et européen, a occupé plusieurs postes importants à Paris et Bruxelles :Conseiller au cabinet du vice-président de la Commission européenne ;Chef de secteur au Secrétariat général aux affaires européennes ;Conseiller, puis directeur-adjoint du cabinet de deux ministres des affaires européennes ;Conseiller du Premier ministre.Après cette carrière publique, il a rejoint le Barreau de Paris en tant qu’avocat spécialisé en droit européen et droit de la concurrence.Jean-Paul Tran Thiet est impliqué dans diverses organisations à but non lucratif. Il a notamment été membre du Comité directeur de l’Institut Montaigne et Président de son groupe Europe et de son groupe Énergie. Il est également Secrétaire général d’Avenir-Transports, qui regroupe des parlementaires français et européens, et Président d’honneur de l’Association française de droit de l’énergie. Depuis novembre 2018, en tant que Senior Fellow, il co-préside le groupe de travail à l’origine du rapport Sauver le droit d’asile publié conjointement par l'Institut Montaigne et Terra Nova. Morgan Guérin Fellow - Europe, Défense Morgan est Fellow - Europe, Défense de l'Institut Montaigne depuis juin 2019.Aupravant, il était responsable du Programme Europe et chargé d'études à l'Institut. Il y conduisait les travaux liés aux questions européennes.Il a notamment participé à la réalisation et à la publication des rapports et notes suivants : L'Europe dont nous avons besoin, Traité transatlantique : pourquoi persévérer ?, Bremain ou Brexit : Europe, prépare ton avenir ! .Morgan est diplômé de Sciences Po Paris, de l’ESCP-Europe ainsi que d’histoire de l’art et d’archéologie à l'université Sorbonne Paris IV. Il a également étudié à l’Université Boğaziçi d’Istanbul. Groupe de travail Les opinions exprimées dans ce rapport n’engagent ni ces personnes ni les institutions dont elles sont membres.Thierry Pech, directeur général, Terra Nova (co-président)Jean-François Rial, président directeur général, Voyageurs du Monde, membre de Terra Nova et de l’Institut Montaigne (co-président)Jean-Paul Tran Thiet, avocat - JPTT & Partners, Senior Fellow et ancien administrateur de l’Institut Montaigne (co-président)Jean-Claude Cousseran, ancien ambassadeurJean Faber, haut fonctionnaire Alice Gueld, rapporteureMorgan Guérin, responsable du Programme Europe, Institut MontaigneLeïla Vignal, enseignante-chercheure en géographie, co-coordinatrice du Pôle « Europe » de Terra Nova Personnes auditionnées Diane Angermüller, policy coordinator à la Commission européenne, détachée temporairement auprès de la Présidence autrichienne du ConseilSophie Beau, co-fondatrice et directrice, SOS Méditerranée FrancePascal Brice, directeur général, Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA)Matthias Fekl, avocat, ancien ministre de l'IntérieurStéphane Fratacci, directeur de cabinet du ministre de l'IntérieurLouis Gallois, président, Fédération des Acteurs de la SolidaritéFrançois Gemenne, directeur de l’Observatoire Hugo à l’Université de Liège, enseignant à Sciences PoGeorges Karolyi, ambassadeur de Hongrie en FranceThierry Le Roy, président, France terre d'asileNikolaus Meyer-Landrut, ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne en FranceJean-Luc Névache, ancien directeur de cabinet au ministère de l'IntérieurHenrik Nielsen, Head of Unit Asylum, European CommissionPauline Pannier, conseillère libertés publiques, culte, asile, immigration et intégration, cabinet du ministre de l'IntérieurAgnès Rebuffel-Pinault, conseillère affaires intérieures, représentation permanente de la France auprès de l'Union EuropéenneAlain Regnier, délégué interministériel à l'intégration des réfugiésGérard Sadik, responsable national de la thématique asile, La CimadePierre Vimont, chercheur associé, Carnegie Europe Sommaire 1. Introduction 2. Comment fonctionne le droit d’asile en Europe ? 3. Pourquoi le droit d’asile en Europe ne fonctionne pas ? 4. Pourquoi les solutions proposées jusqu’ici sont peu efficaces ? 5. Que faut-il faire pour réformer la politique européenne du droit d'asile ? Télécharger rapport ( 126 pages) résumé ( 2 pages) Mouvements continus de population, Aquarius et autres périples méditerranéens, réactions nationales parfois fortes, confusion fréquente entre migrants et réfugiés…, depuis 2015, les questions migratoires sont au centre du débat public partout en Europe. En 2015, près de 1,4 millions de demandes d’asile ont été déposées en Europe, puis 1,2 millions en 2016. Si les flux ont diminué depuis, cette crise a donné à voir les insuffisances des outils juridiques européens en matière de gestion des demandeurs d’asile. Le droit d’asile dans l’Union européenne est en danger. Dans ce contexte, l’Institut Montaigne et Terra Nova appellent à une refonte de la politique européenne de l’asile et à une réponse rapide et solidaire à l’urgence humanitaire en Méditerranée. "Notre exigence commune est de marier le plus étroitement possible humanisme et réalisme, dignité et efficacité, afin de sortir d’un jeu politique pervers où ceux qui formulent des promesses toujours plus nombreuses de fermeté, voire de fermeture, se rendent en réalité complices du plus grand désordre et d’un sourd reniement. Une approche plus rationnelle et un peu de courage politique permettraient de corriger les dysfonctionnements identifiés dans notre rapport."Thierry Pech, directeur général de Terra Nova,Jean-Paul Tran Thiet, Senior Fellow à l’Institut Montaigne et fondateur de JPTT & Partners et Jean-François Rial, membre de Terra Nova et de l'Institut Montaigne et président de Voyageurs du Monde, tous trois auteurs du rapport Sauver le droit d’asile. Comment fonctionne le droit d’asile en Europe ? La Convention de Genève de 1951 constitue le socle du droit d’asile en Europe. Tous les Etats membres européens sont signataires de ce traité. L’article 67, paragraphe 2, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoit que l’UE "développe une politique commune en matière d'asile, d'immigration et de contrôle des frontières extérieures qui est fondée sur la solidarité entre Etats membres". Dans les faits, les Etats membres sont libres d’organiser les procédures administratives d’examen des demandes d’asile et d’octroi du statut. En France, c’est l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui s’en charge. En Allemagne, c’est le Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (BAMF) qui joue ce rôle. En 1985, plusieurs pays européens ont décidé de l’ouverture de leurs frontières internes et, en conséquence, du renforcement de leurs frontières extérieures. C’est ce que l’on appelle l’espace Schengen. De ce fait, les Etats ont dû s’organiser à un niveau européen pour prévoir la répartition des demandeurs d’asile et des réfugiés. Le règlement de Dublin, réformé à de nombreuses reprises, joue ce rôle. Il prévoit notamment que le pays européen de première entrée d’un demandeur d’asile a la charge de traiter cette demande. Pourquoi le droit d’asile en Europe ne fonctionne pas ? La loterie de l’asile Bien que tous les Etats membres appliquent la même convention de Genève, il existe de grandes disparités dans l’octroi du droit d’asile entre vingt-sept pays européens. On remarque que ce taux varie fortement entre pays, mais également qu’au sein même d’un pays il n’est pas stable dans le temps. S’agissant par exemple des demandeurs d’asile afghans en Allemagne, le rejet est ainsi passé de 27 % en 2015, à 53 % en 2017. Au total, 61 % des demandes d’asile déposées en 2017 dans les 28 Etats de l’Union ont abouti à une décision positive. Cependant, en Hongrie le taux de rejet atteint 90 %, alors qu’il n’est que de 30 % dans les Pays-Bas ou en Allemagne. La situation est telle que l’on peut parler d’une véritable "loterie de l’asile" en Europe !Le règlement de Dublin et ses conséquences En vertu du règlement de Dublin et en conséquence des routes migratoires actuelles, la charge de l’accueil et de l’examen des demandes d’asile en Europe repose actuellement très largement sur la Grèce, Malte et l’Italie. L’exposition des pays de l’Union européenne aux flux migratoires est fonction de leur situation géographique. Ces pays de première ligne considèrent être dans un piège inextricable : Le droit international les oblige àsecourir les migrants et à ouvrir leurs ports. La Convention de Genève les enjoint ensuite d’examiner les demandes d’asile éventuelles des personnes secourues. Le règlement de Dublin les empêche enfin de reporter sur un autre Etat membre la charge d’examiner cette demande et les oblige à accueillir les migrants que certains Etats européens leur retournent. Tout ceci concourt à reporter la charge du contrôle des frontières extérieures de l’UE et de l’examen des demandes d’asile aux pays de première ligne, en contradiction avec l’esprit de solidarité qui doit prévaloir au sein de l’Union. En l’état du droit actuel, il n’existe pas de mécanisme de partage des demandeurs d’asile en cas de crise. Pourquoi les solutions proposées jusqu’ici sont peu efficaces ? Les solutions pour diminuer les entrées Le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, à la tête d’un gouvernement de coalition populiste a proposé en 2018 une série de mesures visant à renforcer le contrôle des frontières extérieures de l’UE. Selon lui, en réduisant les flux en amont - c’est à dire les entrées sur le territoire européen -, nous réduirons les flux en aval et ainsi les problèmes de circulation de migrants entre Etats européens. Dans cette même logique, en mars 2016, l’UE a conclu un accord avec la Turquie afin que cette dernière mette notamment fin aux passages clandestins sur son territoire en direction de l’Union, en contrepartie de versements financiers (trois milliards d’euros pour 2016 et 2017, puis un même montant pour 2018 et 2019). En février 2017, l’Union est également tombée d’accord pour verser 200 millions d’euros à la Libye, notamment pour permettre au pays de mieux équiper ses garde-côtes. Toujours dans cette logique, la Commission a proposé en 2016 d’adopter un nouveau règlement qui imposerait aux Etats membres de procéder à un examen préalable de recevabilité des demandes d’asile avant le démarrage de l’instruction. Les demandes des personnes ayant séjourné dans un "pays tiers sûr" avant de rejoindre l’UE seraient irrecevables. Limites de ces solutions Peut-on externaliser la gestion de migrants voulant rejoindre notre territoire à des pays tiers - parfois dans des conditions déplorables - alors que certains seraient éligibles à une protection en Europe ? S’agit-il de solutions viables sur le long terme ? Certains pays pourraient vite être débordés par l’arrivée de migrants. De plus, tous ne parviendront pas à assurer l’étanchéité de leurs frontières comme le fait la Turquie. Peut-on à ce point tordre l’esprit de la Convention de Genève ? L’HCR a récemment rappelé qu’en vertu de l’article 35 de la Convention "l’asile ne peut être refusé uniquement pour le motif qu’il aurait pu être demandé à un autre Etat."Est-ce viable pour l’Europe que de se placer dans une telle position de dépendance ? D’ores et déjà, les revendications d’Ankara vont grandissantes. Les solutions pour répartir la charge entre les Etats membres En 2015, face à un afflux record de migrants sur le territoire de l’Union, la Commission a proposé au Conseil la mise en place d’un mécanisme provisoire de relocalisation des demandeurs d’asile entre les différents Etats membres, à la fois automatique et contraignant. Cela afin de répartir 160 000 personnes présentes en Italie, Grèce ou Hongrie, "ayant manifestement besoin d’une protection internationale". Le Conseil a par la suite validé cette proposition, s’agissant de 120 000 personnes présentes en Italie et en Grèce. En mai 2018, la Commission a publié une analyse de la mise en oeuvre de ce dispositif, indiquant que seul 35 % des migrants avaient été relocalisés. Cela s’explique en partie par le refus de certains pays de mettre en oeuvre ce plan, la Hongrie et la Pologne n’ayant relocalisé aucun migrant. En 2017, la Commission a ouvert une procédure d’infraction contre ces pays et la Slovaquie, pour non respect des conclusions du Conseil. Face à ces blocages et à l’urgence de la situation, il est urgent de réformer en profondeur le système européen de l’asile. Que faut-il faire pour réformer la politique européenne du droit d'asile ? Depuis 2015, les Etats membres peinent à tomber d’accord sur une solution pour répondre à la crise des réfugiés. L’Union européenne est face à un dilemme toxique. Les pays de première ligne voient le règlement de Dublin comme une contrainte qui concentre massivement sur eux la charge des flux migratoires. Les pays de deuxième ligne s’y accrochent comme à la garantie, non seulement d’une responsabilisation des pays de première ligne sur la gestion de leurs frontières, mais aussi d’une sorte de frontière interne entre eux et les pays méditerranéensDans ce contexte, l’Institut Montaigne et Terra Nova s’associent et formulent d’une voix commune 16 propositions, les premières pour dessiner les contours d’un système européen global de l’asile qu’il convient de construire dans la durée, les secondes pour répondre à l’urgence actuelle en Méditerranée.1 Réformer en profondeur les procédures du droit d’asile en Europe Détails Pour empêcher toute interférence politique, chaque État membre devra transformer en agence indépendante l’autorité nationale en charge des demandes d’asile. Concernant le règlement de Dublin, la clause du pays de première entrée devra être supprimée, permettant à chaque demandeur d’asile de solliciter la protection de l’État de son choix, mais les demandes multiples seront interdites. Enfin, pour coordonner ces agences nationales, un Office du droit d’asile en Europe (ODAE) devra être créé, afin d’harmoniser progressivement leurs pratiques décisionnelles.2 Créer une solidarité effective entre les États membres Détails Pour répondre à toute situation de crise, l’ODAE, assisté d’un comité des représentants des autorités nationales, aura la responsabilité de réallouer les dossiers à instruire entre Etats membres et, s’agissant des réfugiés d’assurer une répartition équitable des efforts entre Etats européens, à la lumière de leur population, de leur PIB par habitant et de leur taux de chômage.3 Confier à l’UE un rôle plus important dans la gestion des relations avec les pays d’origine et de transit Détails Il est indispensable de renforcer le rôle de l’UE s’agissant des procédures de renvoi des déboutés, en mobilisant les moyens de Frontex, ainsi que, en coopération étroite avec les Etats membres, dans la négociation des accords de réadmission avec les pays d’origine. S’agissant des pays de transit, cela rendrait plus aisée la conclusion d’accords de partenariat pour faciliter un accueil des migrants respectueux de la dignité humaine, mettre en place des actions de formation et d’orientation, et sécuriser le parcours des demandeurs d’asile vers l’Europe (procédure de réinstallation avec le HCR).4 Créer un socle commun de droits pour les réfugiés et les demandeurs d’asile Détails Les demandeurs d’asile doivent pouvoir accéder à l’emploi au plus tard trois mois après le dépôt de leur demande. Pour faciliter leur insertion, une meilleure coordination de l’action des travailleurs sociaux, des bénévoles et des administrations est indispensable. Enfin, les réfugiés doivent bénéficier d’un droit de séjour et d’établissement dans tout État membre, liberté essentielle au sein de l’UE, sans pouvoir prétendre au transfert du bénéfice des aides sociales spécifiques au statut de réfugié accordées par la pays qui a accordé la protection.5 Mobiliser le budget de l’UE et surmonter les blocages politiques Détails L’UE devra porter l’essentiel des coûts de la politique du droit d’asile en Europe et en particulier les CEAT (voir axe suivant) et les procédures de retour des déboutés. Les Etats membres qui refuseraient de participer aux mécanismes de réallocation pourront être pénalisés financièrement et, si nécessaire, les Etats les plus volontaires pourront décider d’intégrer leurs politiques d’asile dans une coopération renforcée ou des conventions ad hoc.6 Adopter des mesures d’urgences pour faire face à la crise humanitaire en Méditerranée Détails Pour répondre à la situation d’urgence actuelle, il convient de créer dans les pays de l’UE ayant une façade méditerranéenne, des centres européens d’accueil et de traitement (CEAT) où les demandes d’asile des secourus en mer seront traitées dans des délais très courts. Les personnes qui y seront accueillies pourront solliciter l’asile dans l’État membre de leur choix, sous réserve d’éventuelles péréquations (voir ci-dessus, axe n° 2). Dans chaque CEAT, des bureaux des autorités nationales instruiront les demandes d’asile des personnes présentes et assureront le transfert des bénéficiaires de protection vers le pays de l'Union qui la leur aura accordée.Jean-Paul Tran ThietMorgan GuérinImprimerPARTAGERTélécharger rapport ( 126 pages)Télécharger résumé ( 2 pages)contenus associésDansles médias18/10/2018 Terra Nova et l’Institut Montaigne veulent "sauver le droit d’asile" en Europe18/10/2018 "Sauver le droit d'asile" : le rapport choc de Terra Nova et l'Institut Montaigne