Le système français d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) fait face à de nombreux défis depuis plusieurs années : afflux démographique, manque d’autonomie des établissements, sous-financements, manque d’attractivité... La crise du Covid-19 a aiguisé ces difficultés structurelles pour nos universités françaises, qui sont mises à rude épreuve.
Il n'est pas sûr que la résilience dont elles ont su faire preuve lors de la première vague de la pandémie résiste aux multiples tensions qui sont à l'œuvre, notamment en raison du manque réel de moyens et du sentiment de lassitude des personnels, sans évoquer l’inquiétante souffrance étudiante. La vision et l’ambition pour l’enseignement supérieur et la recherche doivent donc être d’autant plus fortes et permettre de lutter contre les difficultés structurelles des universités que la pandémie a rendu sans doute plus visibles encore.
Comment réinvestir au mieux dans notre système ? C’est l’objet de ce rapport, fruit d’une réflexion de plus de deux ans, d’une soixantaine d’auditions d’acteurs français et internationaux du monde universitaire, de la recherche, du privé et du public, ainsi que de cinq visites d’établissements en région et de deux ateliers de réflexions au sein d’universités à Londres et Bordeaux. Ce travail encourage plusieurs transformations structurelles, qui doivent être pensées en lien étroit avec les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il est temps d’agir !
La conviction de ce rapport repose sur trois piliers :
- Les étudiants doivent être mis au cœur du dispositif de l’enseignement supérieur. Ce sont 2,7 millions de personnes qui sont concernées (soit le nombre d’étudiants en France en 2018). Un étudiant sur cinq quitte l’enseignement supérieur sans en être diplômé, soit 75 000 jeunes par an. Seulement 30 % d’entre eux obtiennent leur licence en trois ans (soit la durée réelle de cette formation). 40 % l’obtiennent en quatre ans. Ce constat n’est pas acceptable. Notre système doit devenir centré autour des besoins étudiants avec, d’abord, la mise en place, pour lutter contre les difficultés financières des étudiants, d’un système de prêts à remboursement contingent, universellement accessible, permettant de prendre en charge leurs droits de scolarité mais également des frais de vie ; avec, ensuite, la garantie d’un enseignement de qualité dans le cadre d'une loi de programmation qui engage l'État ; avec, enfin, une augmentation de l'aide sociale auprès de ceux qui en ont vraiment besoin, à hauteur de 250 millions d’euros (les bourses sur critères sociaux représentant quelques 2 Md€ en 2018, cela représenterait une augmentation de 12,5 %).
- La France doit se mettre en situation de dépenser plus si elle veut pouvoir rivaliser avec les meilleurs systèmes d’enseignement supérieur et de recherche au monde. Le modèle économique de l’enseignement supérieur français, marqué par un sous-financement chronique, n’est en effet plus soutenable. Il faudrait aller jusqu’à consacrer 5 % du PIB français à l’enseignement supérieur et à la recherche, soit 2 % à l’enseignement supérieur (contre 1,5 % aujourd’hui, financé à 77 % par l’État, ce qui est une particularité française) et 3 % à la recherche (contre un peu plus de 2 % aujourd’hui). En termes financiers, cela représente une dizaine de milliards d’euros pour l’enseignement supérieur et une vingtaine pour la recherche.
- Parce qu’un modèle économique révisé va de pair avec une évolution de la gouvernance, la France doit engager des réformes structurelles de l’enseignement supérieur et de la recherche autour d’une ligne stratégique claire. Notre système a besoin d’une gouvernance solide. Une réflexion sur la répartition des rôles entre administratifs et enseignants-chercheurs élus, mais aussi sur la place d’autres acteurs de la société civile au sein des conseils d’administration est nécessaire. Elle suppose de redéfinir les rapports entre le ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et les universités, le ministère étant dorénavant chargé de fixer les grands objectifs assignés à ces dernières.