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Primaire de la droite et du centre
Le grand décryptage

Le chiffrage ne permet pas à lui seul de comparer les propositions des candidats. Elles doivent également s'apprécier au regard de leur mise en oeuvre, de leur historique et d'une comparaison internationale.

 

CandidatPropositionChiffrage *Détail
 

Jean-François
Copé
Réduire les allocations au bout de 12 mois contre 24, pour se rapprocher du modèle Allemand
- 3,4 Md€ Chiffrage
et faisabilité
 

François
Fillon
Rendre les allocations chômage fortement dégressives


- 4,1 Md€ Chiffrage
et faisabilité
 

Alain
Juppé
Diminution de 25 % à partir de 12 mois, puis à nouveau au bout de 18 mois
- 1,7 Md€ Chiffrage
et faisabilité
 
Nathalie
Kosciusko-Morizet
Réduire les allocations en  fonction du nombre d'offres valables d'emploi refusées, dès la première offre
Non chiffrable Chiffrage
et faisabilité
 

Bruno
Le Maire
Diminution de 25% tous les six mois, extinction au bout de deux ans.
- 4,1 Md€ Chiffrage
et faisabilité
 

Jean-Frédéric
Poisson
Pas de proposition identifiée
Chiffrage
et faisabilité
 

Nicolas
Sarkozy
Diminution de 20 % à partir de 12 mois, puis à nouveau au bout de 18 mois
- 1,4 Md€ Chiffrage
et faisabilité

 

*+XX Md€ correspond à une dépense supplémentaire ou une diminution des recettes
-XX Md€ correspond à des économies ou des recettes supplémentaires

 

Quels enjeux pour ces propositions ?

Dans le système actuel, le montant des allocations chômage est fixe jusqu’à épuisement des droits : un demandeur d'emploi indemnisé perçoit une allocation de retour à l’emploi (ARE) correspondant en moyenne à 60% de son salaire brut (70% de son salaire net). Rendre les allocations chômage dégressives consisterait à diminuer le montant de l'allocation au bout d’un certain temps, pour accélérer le retour à l’emploi.

Déjà mise en place en France en 1986 et 2001, la dégressivité a favorisé le retour à l’emploi des chômeurs les plus qualifiés, mais n’a eu que peu d’impact sur les moins qualifiés.
 
Six pays de l’OCDE ont déjà adopté la dégressivité des allocations chômage, la plupart après la crise de 2008 (Belgique, Espagne, Italie, Pays-Bas, Portugal et Suède). Il n’existe pas encore d’évaluation de leur impact.

Que proposent les candidats ? Quelles économies pourraient être générées par de telles mesures ? Les mesures annoncées ont-elles déjà été appliquées en France ? A l’étranger ? Décryptage. 

Déjà appliquées ? proposées ?

 

Entre 1986 et 1992, les demandeurs d’emploi percevaient d’abord une allocation de base pendant 3 à 27 mois, selon la filière d’indemnisation, puis basculaient vers une allocation de fin de droits pour une durée maximale de 18 mois. Une dégressivité dans le temps a été instaurée en 1992 : de 1992 à 2001, les deux allocations ont été remplacées par l’"allocation unique dégressive" (AUD) qui diminuait régulièrement tous les 4 mois jusqu’à atteindre un niveau plancher (tous les 6 mois à partir de 1996).
 
En 2001, cette dégressivité a été supprimée. Pour les personnes éligibles à l’allocation spécifique de solidarité, cependant, une dégressivité continue d’intervenir implicitement en fin de droit, lors du passage de l’allocation chômage (ARE) à l’allocation de solidarité (ASS).

Les résultats des nombreuses études publiées sur le sujet sont relativement convergents et montrent que:

  • le taux de sortie du chômage indemnisé croît sensiblement à l’approche de la fin de droits pour les personnes les plus employables (les plus diplômées) : une allocation fortement dégressive – qui aurait un effet proche de la fin de droit - pourrait donc favoriser le retour à l’emploi juste avant la baisse des allocations, pour les demandeurs d’emploi les plus employables ;
  • l’impact du niveau de l’allocation sur la durée de chômage est faible : une modification de 10 % du montant des indemnités ne ferait varier la durée moyenne du chômage que d’une ou deux semaines ; 
  • la dégressivité de l’indemnisation du chômage a peu d’impact sur le profil de retour à l’emploi des personnes peu diplômées ou faisant face à des difficultés d’insertion sur le marché du travail.


Le gouvernement actuel avait évoqué la piste de l’introduction d’une dégressivité des allocations chômage au début de l’année 2016, alors que commençaient les négociations entre partenaires sociaux pour tenter d’établir une nouvelle convention d’assurance chômage. Cette option n’a pas été retenue par les partenaires sociaux, les principaux syndicats y étant fortement opposés.

 

Déjà testées à l'étranger ?

Six pays de l’OCDE appliquent déjà la dégressivité des allocations chômage au cours du temps, la plupart ayant adopté la dégressivité après la crise de 2008 (Belgique, Espagne, Italie, Pays-Bas, Portugal et Suède). Au bout de 12 mois, la diminution de l’allocation chômage résultant de la dégressivité est inférieure ou égale à 15 % en Belgique, aux Pays-Bas, au Portugal et en Suède, mais s’élève à 29 % en Espagne et 40 % en Italie. 

L’introduction de la dégressivité dans ces pays est récente et concomitante avec d’autres réformes des systèmes d’assurance chômage (diminution de la durée maximale d’indemnisation au Portugal et aux Pays-Bas, renforcement du contrôle de la recherche d’emploi au Portugal, en Espagne, en Italie et aux Pays-Bas, diminution du taux de remplacement en Suède). Il est donc difficile d’évaluer l’effet propre de la dégressivité et aucune étude d’évaluation n’existe à ce jour à notre connaissance.

Comment les mettre en oeuvre ?

En France, ce sont les partenaires sociaux qui négocient habituellement les règles qui figurent dans les conventions d’assurance chômage. L’État intervient pour agréer par décret l’accord sur l’Assurance chômage signé par les partenaires sociaux.

Néanmoins, le gouvernement n'a aucune obligation juridique de discuter avec les partenaires sociaux avant d'arrêter le contenu des allocations chômage. Il pourrait le faire de manière unilatérale si l’on s’en tient au plan strictement juridique.

En effet, c’est la loi qui créé un "droit à un revenu de remplacement" pour les salariés "involontairement privés d'emploi" et le code du travail précise que "les mesures d’application sont déterminées par décret en Conseil d’État". Une situation similaire s’est déjà produite. En 1982, à la suite de l’échec des négociations entre partenaires sociaux, le ministre des Affaires sociales Pierre Bérégovoy avait mené des consultations et organisé une table ronde État-patronat-syndicats. L’État avait alors décidé d’une augmentation des cotisations et une diminution des droits pour rétablir les comptes de l'Unédic.

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