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04/04/2024

[Sondage] - Que pensent les Français de la réforme de l'Assurance chômage ?

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[Sondage] - Que pensent les Français de la réforme de l'Assurance chômage ?
 Institut Montaigne
Auteur
Institut Montaigne
 Lisa Thomas-Darbois
Auteur
Directrice adjointe des études France et Experte Résidente

Tous les mois, l'Institut Elabe interroge les Français pour Les Échos et l'Institut Montaigne. Ce mois-ci, la question posée porte sur les Français, la dette publique et la réforme de l'Assurance chômage.

Alors que le déficit public a finalement atteint 5,5 % du PIB en 2023 contre 4,9 % initialement prévus, le gouvernement cherche inlassablement de nouvelles mesures d’économies. Le durcissement des règles de l’assurance-chômage, réformées il y a à peine un an, semblent faire partie d’une des options possibles pour l’exécutif. Si cette mesure divise les Français - 52 % d’entre eux sont favorables à la réduction de la durée d’indemnisation - elle semble pourtant délétère d’un point de vue économique. La réforme précédente ayant justement entériné un effet contra-cyclique intéressant dans l’indemnisation chômage dont nous ne mesurons pas encore pleinement les effets. L’intérêt d’une telle réforme pour nos finances publiques paraît également minime, seule une minorité de chômeurs épuisant en réalité la totalité de leurs droits. Le potentiel bénéfice budgétaire n’est donc pas à la hauteur de l’enjeu, ce que semble partager l’opinion publique puisque seuls 38 % des Français estiment cette mesure efficace pour réduire le déficit public. En la matière, il est intéressant d’observer un regain vif d’intérêt pour l’intensification des mesures fiscales ciblées sur les plus riches. La taxation des superprofits et l’augmentation des impôts pour les plus riches convoquent respectivement 84 % et 76 % d’opinions favorables pour réduire le déficit public contre seulement 10 % pour la désindexation des pensions de retraite sur l’inflation. Si cette dernière option demeure un totem d'impopularité, elle pourrait toutefois générer plusieurs milliards d'économies chaque année.

Pour l’opinion, la responsabilité du déficit public revient d’abord à la mauvaise gestion des gouvernements successifs et à la crise Covid

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Pour les Français, les principales causes du déficit public actuel sont la mauvaise gestion des gouvernements des 30 dernières années (47 % citent cette raison, 3 choix possibles parmi 10 items), la mauvaise gestion d’Emmanuel Macron et de ses gouvernements (46 %) et la crise covid et les aides dépensées lors du "quoi qu’il en coute" (46 %). Derrière cette trois raisons, 1 Français sur 3 cite les aides sociales trop généreuses (36 %), le contexte international et la guerre en Ukraine (34 %) et la faiblesse de la croissance économique française (31 %). Enfin, les autres raisons évoquées sont la hausse des taux d’intérêts (18 %), le chômage trop élevé (17 %), le ralentissement des pays européen partenaires (8 %) et le ralentissement de l’économie chinoise (5 %).

Les causes du déficit public différent selon le vote :

  • Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon l’attribuent à la mauvaise gestion d'Emmanuel Macron et de ses gouvernements largement devant (71 %), la crise Covid et les aides dépensées lors du "quoi qu'il en coute" (46 %) et la mauvaise gestion des gouvernements des 30 dernières années (44 %)
  • Les électeurs d’Emmanuel Macron à la crise Covid et les aides dépensées lors du "quoi qu'il en coute" (62 %), le contexte international, la guerre en Ukraine (45 %) et les aides sociales trop généreuses (45 %)
  • Et les électeurs de Marine Le Pen aux aides sociales trop généreuses (60 %), à la mauvaise gestion d'Emmanuel Macron (59 %) et celle des gouvernements des 30 dernières années (45 %)

 

À noter que les aides sociales trop généreuses sont davantage citées par les 65 ans et plus (47 %) que par les tranches d’âge correspondant aux actifs (25-64 ans, 34 %)
et les plus jeunes (18-24 ans, 22 %).

Les Français sont très partagés sur le durcissement de l’Assurance chômage…

Le Premier ministre Gabriel Attal a exprimé la volonté de durcir les règles de l’Assurance chômage, en réduisant de plusieurs mois la durée d’indemnisation (de 18 mois actuellement à 12 mois maximum). 52 % des Français sont favorables à un durcissement des règles de l’assurance chômage en réduisant de plusieurs mois la durée d’indemnisation, dont 34 % plutôt favorables et 18 % très favorables. À l’inverse, 48 % y sont opposés, dont 26 % plutôt opposés et 22 % très opposés.

Cette mesure clive politiquement : les électeurs d’Emmanuel Macron (72 %) et de Marine Le Pen (61 %) y sont majoritairement favorables, les électeurs de Jean-Luc Mélenchon (73 %) et les abstentionnistes (54 %) opposés.

D’un point de vue socio-professionnel, les retraités approuvent en majorité (62 %) un durcissement des règles tandis que les actifs sont très partagés (50 % favorables, 50 % opposés). Dans le détail, au sein des actifs, on observe que les cadres (57 %) adhèrent en majorité mais que les professions intermédiaires (54 %) et les employés/ouvriers (54 %) sont une courte majorité à y être opposés.

…et doutent de l’efficacité de cette mesure pour réduire le déficit et inciter au retour à l’emploi

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Concernant le durcissement de l’Assurance chômage en réduisant de plusieurs mois la durée d’indemnisation, 61 % des Français estiment que cette mesure ne sera pas efficace pour réduire le déficit et 49 % pour inciter les demandeurs d’emploi à (re)trouver un emploi (contre 51 % efficace).
On observe une forte corrélation entre l’adhésion à cette mesure et le regard porté sur son efficacité en matière de retour à l’emploi : 80 % des Français favorables la juge efficace, 80 % des Français opposés pas efficace. En revanche, près de 40 % des Français favorables à cette mesure doutent de son efficacité pour réduire le déficit public.

D’un point de vue politique :

  • Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon estiment que cette mesure ne sera pas efficace pour réduire le déficit public (76 %) et pour inciter au retour à l’emploi (63 %)
  • A l’inverse, les électeurs d’Emmanuel Macron considèrent majoritairement qu’elle sera efficace pour parvenir à ces deux objectifs (inciter au retour à l’emploi 68 %, réduire le déficit 55 %)
  • Les électeurs de Marine Le Pen jugent quant à eux qu’un durcissement des règles de l’Assurance chômage permettra d’inciter au retour à l’emploi (56 %) mais ils doutent de l’impact d’une telle mesure sur la réduction du déficit (60 % pas efficace)

Pour réduire le déficit, les Français plébiscitent la taxation des superprofits et l’augmentation des impôts pour les plus riches mais rejettent la désindexation des retraites, la hausse des impôts pour tous et l’augmentation du nombre de jours de carence

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Parmi des mesures proposées par le gouvernement ou évoquées dans le débat public pour réduire le déficit et la dette :

  • Une large majorité de Français est favorable à taxer les superprofits des entreprises (84 %, dont 50 % très favorables) et à augmenter les impôts pour les Français les plus riches (76 %, dont 37 %). Ces deux mesures font consensus dans l’opinion, elles sont majoritairement approuvées au sein de toutes les catégories de population et électorats
  • A l’inverse, les Français se disent opposés à baisser les pensions de retraite, les désindexer de l'inflation (90 %, dont 63 % très opposés), à augmenter les impôts pour l’ensemble des particuliers (89 %, dont 48 %) et à augmenter le nombre de jours de carence pour les salariés du privé (75 %, dont 41 %). Ces 3 mesures rencontrent l’opposition d’une majorité de Français au sein de toutes les catégories de population et électorats. La baisse des pensions de retraite est fortement rejetée par les retraités (99 % opposés, dont 78 % très opposés) et l’augmentation du nombre de jours de carence par les professions intermédiaires (84 %) et les employés/ouvriers (79 %)
  • Une moindre proportion de Français est également opposée à augmenter les impôts pour les entreprises (56 %). Cette mesure est un peu plus clivante d’un point de vue politique : 6 électeurs de Jean-Luc Mélenchon sur 10 y sont favorables (60 %) tandis que la même proportion d’électeurs d’Emmanuel Macron (62 %) et de Marine Le Pen (59 %) y sont opposés.

"Passer sous les 3 % de déficit d’ici 2027" : une très large majorité de Français estime que le gouvernement ne parviendra pas à atteindre cet objectif formulé par Gabriel Attal

Le premier ministre Gabriel Attal a déclaré que "nous gardons l'objectif de passer sous les 3 % de déficit en 2027". 82 % des Français estiment que le gouvernement ne parviendra pas à atteindre l’objectif des 3 % évoqué par le premier ministre Gabriel Attal, dont 50 % probablement pas et 32 % certainement pas. Seuls 18 % jugent cela possible, dont 15 % probablement et 3 % certainement.

Un scepticisme qui traverse toutes les catégories de population et électorats, y compris les électeurs d’Emmanuel Macron (67 %) et les Français qui estiment que le durcissement de l’Assurance chômage est efficace pour réduire le déficit public (67 %). Il est particulièrement prégnant chez les professions intermédiaires (91 %), les 35 ans et plus (86 %), les personnes ayant des difficultés à boucler leurs fins de mois (86 %) et les Français qui considèrent que le gouvernement actuel est responsable de ce déficit (93 %).

Copyright image : Alain JOCARD / AFP

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