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14/03/2011

Pour loger les plus démunis, il faut innover !

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Pour loger les plus démunis, il faut innover !
 Gunilla Björner
Auteur
Ancienne responsable des relations institutionnelles de l'Institut Montaigne


L’accès au logement pour tous les ménages est une priorité pour le Gouvernement, comme nous vient de le rappeler le secrétaire d’Etat chargé du logement, Benoist Apparu. En effet, 1,2 million de ménages sont actuellement en attente d’un logement social (1). Parallèlement, le nombre de ménages trop pauvres pour accéder au parc HLM s’accroît chaque année. D’autres, logés dans le parc social, risquent de se retrouver dans des situations d’impayés de loyer. Sommes-nous donc dans une impasse ? Non, mais pour remédier à cette situation, il faudra être créatif et sortir des sentiers battus. Certains bailleurs sociaux, très innovants, ont déjà commencé à expérimenter des dispositifs intéressants pour aider à loger ces ménages démunis, et cela sans aucun surcoût pour l’Etat !


Introduire un loyer mutuel dans le parc HLM

Pour l’Institut Montaigne, il est urgent de loger tous ceux qui sont aujourd’hui privés d’un logement décent. En même temps, il est important de préserver la mixité sociale dans le parc HLM (sans pour autant y loger les familles les plus aisées de notre pays, naturellement). Ces deux priorités ne sont pas incompatibles, au contraire. Dans son étude HLM, parc privé – Deux pistes pour que tous aient un toit (juin 2008), l’Institut Montaigne propose d’introduire le concept de "loyer mutuel" dans le parc HLM. Le loyer mutuel serait fonction des revenus des locataires. Il serait plus élevé que le loyer HLM "normal" pour les ménages aux revenus les plus élevés du parc mais, plus faible pour les ménages les plus modestes. Les sommes supplémentaires dégagées grâce à ce nouveau système devraient être mutualisées pour aider les ménages les plus démunis pour qui même les logements sociaux sont devenus trop chers. Le loyer mutuel pourrait être d’abord simulé, puis expérimenté avec un bailleur social volontaire sur un ou plusieurs ensemble(s) immobilier(s) défini(s).

Des avantages multiples

Les avantages d’un tel dispositif sont multiples. Il permettrait à la fois de loger les ménages démunis, de préserver la mixité sociale et de mettre fin au décalage entre l’offre (la construction de nouveaux logements sociaux) et la demande sociale, phénomène régulièrement dénoncé par exemple par la Fondation Abbé Pierre.

L'expérimentation grandeur nature du Groupe Logement Français (2)

Les analyses menées par le Groupe Logement Français, l’une des plus importantes sociétés d’HLM françaises, ont conduit à plusieurs constats sur l’occupation de son parc social. D’une part, un nombre croissant de ménages à très faibles revenus éprouvent de grandes difficultés à payer leur loyer. D’autre part, une proportion non négligeable de ménages "aisés", qui auraient vocation à rejoindre le marché privé du logement, en sont empêchés par la flambée des prix de l’immobilier. Le groupe a ainsi décidé d’expérimenter un nouveau dispositif d’aide, dont l’objectif est de soutenir les ménages en grande difficulté économique qui risquent à terme d’être exclus du logement social faute de revenus suffisants.

Une expérimentation fondée sur la solidarité

Le principe de ce nouveau dispositif d’aide est simple : redistribuer les sommes collectées, dans le cadre du surloyer* acquitté par des locataires qui dépassent les plafonds de ressources HLM, vers des locataires aux plus faibles revenus et dont les loyers ne sont que partiellement couverts par l’APL (Aide personnalisée au logement).
Par ce système, le surloyer versé par les locataires les plus "aisés" du parc aide donc au maintien dans le logement des locataires les plus défavorisés par la mise en place d’une "remise sur quittance".
Depuis mars 2010, ce dispositif est expérimenté par deux sociétés du Groupe Logement Français, installées sur des marchés particulièrement tendus : Ile-de-France et PACA.

Un premier bilan d’évaluation très encourageant

Près de 1300 locataires ont bénéficié de cette remise exceptionnelle sur quittance. Ils ont en commun d’être très démunis, pour moitié au chômage ou inactifs, pour la plupart monoparentaux et avec des ressources moyennes mensuelles aux alentours de 600 euros. Un ménage contributeur (qui s’acquitte d’un "surloyer") permet, dans ce dispositif, d’aider 1,8 ménage précaire. Le premier bilan de cette expérimentation montre qu’elle a eu un impact tangible sur le taux d’effort** et le reste à vivre des ménages précaires, même si le reste à vivre moyen reste très bas.

L’exclusion des ménages les plus démunis n’est donc pas une fatalité en France. Les bailleurs véritablement sociaux ont ici un rôle très important à jouer.


(1) L’état du mal-logement en France. 16ème rapport annuel, Fondation Abbé Pierre, 2011.
(2) Source : Groupe Logement Français
* Ou "supplément de loyer solidarité" (SLS)
** Taux d’effort : la proportion du revenu consacré au paiement du loyer.

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