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26/06/2018

Où va l’Allemagne ? Trois questions à Michaela Wiegel

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Où va l’Allemagne ? Trois questions à Michaela Wiegel
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Michaela Wiegel, correspondante à Paris du Frankfurter Allgemeine Zeitung, nous livre son analyse de la situation politique actuelle en Allemagne, dans un contexte de crise européenne au sujet des migrations et de la gestion des demandeurs d’asile. 

Comment expliquez-vous que le Ministre de l'Intérieur, Horst Seehofer, ait pu autant remettre en cause l'autorité d'Angela Merkel ? La chancelière est-elle si affaiblie que cela ?

Le système parlementaire allemand est profondément différent du système français. Ce dernier accorde beaucoup d’autorité au Président de la République. Les ministres en Allemagne jouissent d’une vraie autonomie de décision, la chancelière n’ayant qu’une “Richtlinienkompetenz", c’est-à-dire une compétence pour fixer les grandes lignes de la politique gouvernementale. 

Avec la question migratoire, Angela Merkel affronte les conséquences d’un débat étouffé en 2015 au plus fort de la crise des réfugiés (1 million de personnes accueillies en Allemagne cette année-là). À cette époque, elle avait décidé de passer outre les recommandations de la CSU qui réclamait une plus grande fermeté européenne. La CSU souhaite montrer, avant les élections régionales qui auront lieu en octobre en Bavière, qu’elle est fidèle à ses idées, notamment à son exigence d’une meilleure protection des frontières extérieures de l’Union européenne et d’un respect des règles dites de Dublin, c’est-à-dire le renvoi des migrants qui ont déjà fait une demande d’asile dans un autre pays européen. 

Si "l’ultimatum" posé par Horst Seehofer à Angela Merkel peut choquer, il s’agit avant tout de lutter contre la procrastination qui a prévalu ces derniers mois à Berlin concernant ce sujet. Sur ce point, il faut bien reconnaître que les résultats sont là : Angela Merkel s’active comme jamais pour trouver une solution européenne, alors qu’elle n’avait pas encore véritablement répondu aux propositions d’Emmanuel Macron pour une politique commune en matière de droit d’asile et de migrations. 

L'accord conclu entre Paris et Berlin concernant l'approfondissement de la zone euro est-il de nature à renforcer le pouvoir d'Angela Merkel, ou au contraire à créer un espace politique pour les dirigeants farouchement opposés à toute union de transferts ? 

L’objectif de l’accord ne peut être que de renforcer le pouvoir d’Angela Merkel qui, de toute façon, subit l’usure du pouvoir. Il s’agit surtout de montrer une autre voie que la démarche purement nationale prônée par les populistes dans beaucoup de pays de l’UE, comme en Italie, en Hongrie, en Pologne, etc.. C’est un pari : en effet la situation géographique (des pays de premier accueil) et économique (des pays avec un marché de travail dynamique) au sein de l’UE diffère beaucoup et explique pourquoi un traitement "égal" ne peut fonctionner. L’ultimatum de la CSU a le mérite de forcer la chancelière à prendre en considération la situation difficile des pays européens aux frontières extérieures de l’UE, et d’essayer de trouver des solutions différenciées. Je note l’abandon par le gouvernement allemand de l’exigence d’une répartition des migrants "équitable". Ceci dit, les populistes de tout bord ne vont pas se priver de critiquer la démarche européenne d’Angela Merkel. La CSU a déjà décrié une sorte de marchandage entre Emmanuel Macron et la chancelière allemande, portant sur un accord sur un budget de la zone euro et le soutien français sur la question migratoire.

Selon vous, le couple franco-allemand peut-il être une réponse à la crise politique que traverse l'Europe concernant les questions migratoires ? De ce point de vue, comment l'Allemagne aborde-t-elle les prochaines élections européennes ? 

Un accord franco-allemand est une condition nécessaire, mais qui n’est plus suffisante pour trouver un compromis européen concernant les questions migratoires. L’Europe joue son avenir sur cette question. Le Brexit est aussi directement lié à ces enjeux. L’accord trouvé entre Merkel et Macron est un bon début pour avancer, mais il reste beaucoup de travail pour convaincre les gouvernements dans l’UE qui ont été élus sur un rejet de l’immigration.

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