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29/05/2008

70 millions de Français

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 Gunilla Björner
Auteur
Ancienne responsable des relations institutionnelles de l'Institut Montaigne

L’INSEE a rendu public ce jeudi une série d’études sur la démographie française. Voici qui donne une vague idée de ce à quoi ressemblera la France d’ici à 2050.


Les chiffres

En 2050, donc, les Français seront nettement plus nombreux qu’aujourd’hui. En effet, si l’on prolonge les courbes, la population dans l’Hexagone devrait alors s'élever à 70 millions, soit 9,3 millions de plus qu'en 2005. L’augmentation est certes moins spectaculaire que celle du demi-siècle passé, puisqu’entre 1950 et 2005, nous sommes passés de 40 à 60 millions de Français, mais le bond reste impressionnant ! Ce chiffre s’explique en partie par l’immigration mais aussi – et surtout – et c’est là une très bonne nouvelle, par un taux de natalité à nouveau orienté à la hausse. Avec un taux de fécondité légèrement supérieur à 2 enfants par femme, 2006 est le meilleur cru démographique depuis 1981 et fait de nous le pays le plus fécond d'Europe.

Champions d’Europe

La natalité fait partie des exceptions françaises, l’une des rares dont on peut être fier que l’on soit de gauche de droite ou du milieu ! L'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne affichent des taux de fécondité qui ne dépassent pas 1,4 enfant par femme. Il en va de même du côté des ex-pays de l'Est qui traversent une crise profonde de natalité : en Slovaquie, en Slovénie, en Pologne, en Lituanie ou en République tchèque, les taux sont souvent inférieurs à 1,3 enfant par femme. En fait, en Europe, les Français sont les seuls à faire des bébés. Avec les Irlandais…

L’explosion des seniors

En revanche, deuxième grand enseignement de cette étude de l’INSEE, la France ne fait pas exception en Europe sur un point : l’accroissement du nombre des seniors, de plus en plus nombreux dans les années à venir… Evidemment, ce n’est pas une surprise mais les proportions demeurent impressionnantes : en 2050, toujours, il y aura sur notre sol plus de 22 millions de personnes âgées de plus de 60 ans, c'est-à-dire presque exactement le tiers de la population, alors qu’ils n’en représentent que 20 % aujourd’hui.

Le poids démographique… et économique

Les cheveux gris gagnent donc énormément de terrain… Et si on continue à monter dans les classes d’âge, les 75 ans et plus seront près de 11 millions en 2050 (2 fois plus qu’aujourd’hui), et les 85 ans et plus 4 millions, soit 4 fois plus qu’aujourd’hui. Ces tendances sont pour le moins spectaculaires. Par conséquent, le poids du financement des retraites sur les salariés va exploser. En 1970, on comptait trois actifs pour un retraité, on a maintenant atteint 2,2 actifs pour un retraité, et si on prolonge la courbe, on va tomber à 1,4 actif pour un retraité en 2050. C’est un véritable effondrement. Il n’y a, de toute évidence, pas de solution miracle : si on veut enrayer cette dérive, il faut absolument augmenter le taux d’emploi des seniors qui est chez nous dramatiquement bas…

Innover pour rebondir

Pour garder une petite note d’optimisme, il convient de constater que le vieillissement peut aussi être, pour une économie, un facteur d’innovation et de compétitivité à condition de faire l’effort de s’adapter. C’est ce que font par exemple les Japonais qui développent toute une industrie de la robotique sur la base des nouveaux besoins des seniors.

Cumul emploi/retraite

Cela dit, c’est la responsabilité des pouvoirs publics de limiter l’effondrement du ratio actifs/retraités. Donner aux retraités la possibilité d'être AUSSI des salariés - en langage technocratique, ça s’appelle le cumul emploi/retraite - est absolument prioritaire. Beaucoup de Français l’ignorent, mais aujourd’hui, en cas de reprise d’une activité, dans beaucoup de cas, les droits à la retraite sont purement et simplement suspendus, c’est-à-dire que l’on perd toute sa pension. En somme, c’est comme si on écopait d’un impôt de 100 % au marginal. Autant dire qu’on trouve difficilement plus dissuasif pour reprendre une activité… Or, une augmentation du nombre de retraités actifs entraîne un surplus de production et une rentrée supplémentaire de cotisations sociales. S’il y a des seniors volontaires pour continuer à gagner de l’argent et aussi à cotiser, pourquoi ne pas les y encourager ?

Je sais que Xavier Bertrand a annoncé il y a quelques semaines son intention d’inscrire cette mesure dans le projet de loi sur les seniors qui devrait être présenté sous peu au Parlement. A l’Institut Montaigne, nous recommandons cette mesure depuis des années, il ne reste plus maintenant qu’à passer de la parole aux actes…

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